Le poisson arc-en-ciel du désert est un petit dur à cuire. Il vit dans des plans d'eau du centre de l'Australie où la température dépasse régulièrement 50 degrés Celsius. «Ce milieu compte parmi les habitats les plus inhospitaliers de la planète pour les poissons», estime Louis Bernatchez, professeur au Département de biologie et chercheur à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval.
Dans cette région du monde, les périodes sans pluie durent parfois plus d'une année. Le poisson arc-en-ciel est alors confiné à des plans d'eau – des étangs ou des bras de rivières isolés – dont la superficie diminue progressivement, entraînant une baisse concomitante de ses effectifs. Lorsque la pluie finit par tomber, les poissons qui ont survécu se dispersent en empruntant les cours d'eau temporaires créés par les eaux de ruissellement. Ils profitent de ces conditions favorables, du point de vue d'un poisson, pour se reproduire.
«En biologie évolutive, il y a une idée reçue voulant que les petites populations isolées soient peu diversifiées sur le plan génétique et qu'elles puissent moins facilement s'adapter aux changements environnementaux, ce qui peut provoquer leur déclin et parfois même leur disparition. Le maintien des populations de poissons arc-en-ciel dans les zones arides d'Australie constitue donc un intrigant paradoxe», souligne le professeur Bernatchez.
Pour tenter de comprendre l'étonnante résilience de cette espèce, le professeur Bernatchez et une équipe de chercheurs australiens dirigée par Luciano Beheregaray, de la Flinders University à Adélaïde, ont analysé le génome de 344 spécimens de poissons arc-en-ciel du désert provenant de 18 populations du centre de l'Australie. Ils ont ensuite recoupé les résultats de ces analyses avec des indices d'abondance d'eau au sol établis à partir de photos satellitaires.
Résultats? Même si les populations des zones plus arides sont plus isolées et plus petites et qu'elles ont moins de diversité génétique, elles ne montrent aucun signe de consanguinité et leur capacité de s'adapter aux environnements inhospitaliers reste élevée, rapportent les chercheurs dans un article paru dans la revue Evolution.
«Notre étude démontre que de petites populations comme celles du poisson arc-en-ciel du désert peuvent maintenir une diversité génétique suffisante pour affronter des conditions environnementales changeantes, à condition qu'elles puissent se connecter lors des épisodes de pluie abondante», précise le professeur Bernatchez.
Que risque-t-il de se produire si les changements climatiques entraînent une baisse des précipitations dans le désert australien? «La connectivité entre ces petites populations semble être l'élément clé de leur maintien dans ce milieu. S'il y a moins de pluie, leur survie pourrait être menacée.»