Une équipe canado-américaine dirigée par le professeur Louis Bernatchez, du Département de biologie et de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval, a réalisé le séquençage complet du génome du touladi, une espèce aussi connue sous le nom de truite grise ou truite de lac. Le fruit du travail de cette équipe vient de paraître dans la revue Molecular Ecology Resources.
Le touladi est un salmonidé qui vit dans le bassin des Grands Lacs ainsi que dans les autres lacs aux eaux profondes et bien oxygénées d'Amérique du Nord. On le retrouve aussi dans les rivières des régions nordiques. C'est une espèce importante pour la pêche de subsistance et elle fait aussi le bonheur des pêcheurs sportifs. Ce poisson compte plusieurs écotypes dont la taille et l'allure varient au point où l'on pourrait parfois se demander s'il s'agit vraiment de la même espèce.
«Tous les salmonidés ont un ancêtre commun dont le génome s'est dédoublé il y a de cela 80 à 100 millions d'années, signale Louis Bernatchez. Le résultat est que le génome du touladi est énorme. Sa taille, comparable à celle du génome humain, est deux fois plus importante que celle de la plupart des poissons. De plus, son génome est composé à 70% de séquences répétitives très similaires. Ces particularités posaient des défis particuliers pour le séquençage.»
Grâce au travail de cette équipe, il existe maintenant un outil de référence accessible à tous les chercheurs intéressés par la génomique du touladi. Il pourra servir à mener des travaux de nature fondamentale sur l'évolution de cette espèce ou pour guider les opérations d'ensemencement là où les populations de touladis vacillent.
«Il sera désormais plus facile de trouver des marqueurs génétiques qui distinguent les différents écotypes de touladis, qui expliquent leurs différences fonctionnelles et qui caractérisent les populations bien adaptées à un milieu donné. On pourrait utiliser ces marqueurs pour s'assurer que les ensemencements sont faits avec des poissons d'élevage qui possèdent la bonne combinaison génomique et qui permettent de maintenir la diversité génétique naturelle de cette espèce», précise le professeur Bernatchez.
Même si les nouvelles technologies facilitent le travail de séquençage, décoder le génome complet d'une espèce demeure un exercice exigeant. «Jusqu'à maintenant, ce travail a été fait pour une cinquantaine d'espèces de poissons alors qu'il en existe plus de 30 000, signale le chercheur. Il faut tout de même une certaine expertise, surtout pour le travail de finition. On se retrouve parfois avec des bouts de génome qu'on ne parvient pas à positionner. C'est comme avoir des morceaux de casse-tête entièrement bleus qu'il faut placer dans une section de l'image composée uniquement de ciel.»
L'étude publiée dans Molecular Ecology Resources est signée par 12 chercheurs de la Michigan State University, de l'Université McGill, de la Great Lakes Fishery Commission, de l'Université Trent, de l'Université du Montana, du ministère des Ressources naturelles et des Forêts de l'Ontario et de l'Université Laval. Éric Normandeau, également de l'IBIS, figure parmi les auteurs.