
Des sons inhabituels activent le système sympathique qui exerce une influence un peu partout dans le corps, notamment dans certaines zones du cerveau connectées aux muscles de la pupille. Lorsque ces connexions sont activées, le diamètre de la pupille augmente, ce qui permet le passage de plus de lumière, donc de plus d'information visuelle en situation d'alerte.
Pour faire cette démonstration, les chercheurs ont recruté 30 étudiants de l'Université Laval qui ont été soumis à une tâche visant à déterminer si la dilatation de la pupille correspond à ce que les psychologues nomment une réponse ou une réaction d'orientation. «Une réponse d'orientation est la mobilisation de l'attention qui survient à la suite d'un changement soudain et inattendu dans l'environnement, explique l'étudiant-chercheur Alexandre Marois. Ce bris dans la régularité entraîne plusieurs réactions physiologiques involontaires qu'on peut détecter en mesurant l'activité électrique du cœur ou du cerveau ou encore la conductance de la peau. Notre étude visait à déterminer si la dilatation de la pupille répondait à tous les critères reconnus d'une réponse d'orientation à un signal sonore.»
Les participants devaient accomplir une tâche visuelle qui consistait à mémoriser trois consonnes apparaissant brièvement sur un écran d'ordinateur. Ils devaient ensuite retenir ces consonnes tout en faisant des calculs mentaux (compter à rebours par 2, 3, 4, 5 ou 10 à partir d'un chiffre de plus de 1000) pendant près d'une minute. Pendant cette tâche de calcul, les chercheurs diffusaient des sons réguliers entrecoupés d'une série de sons inhabituels tout en mesurant le diamètre de la pupille des participants à l'aide d'un oculomètre. La tâche visuelle, la tâche de mémorisation et la tâche de calcul mental servaient uniquement à détourner l'attention des participants des signaux sonores, précise Alexandre Marois.
Ces tests ont révélé que la dilatation de la pupille répond à tous les critères d'une réponse d'orientation. Le diamètre de la pupille augmente dès la diffusion du signal sonore régulier et diminue rapidement par la suite. Il augmente à nouveau lorsqu'un son inhabituel est diffusé; la réponse de la pupille est alors proportionnelle à l'écart entre la fréquence du signal régulier et celle du signal inhabituel. Enfin, le diamètre de la pupille revient rapidement à sa valeur de base lorsque le signal régulier est rediffusé. «Le bris dans la régularité des sons active le système sympathique qui exerce une influence un peu partout dans le corps, notamment dans certaines zones du cerveau connectées aux muscles de la pupille, explique Alexandre Marois. Lorsque ces connexions sont activées, le diamètre de la pupille augmente, ce qui permet le passage de plus de lumière, donc de plus d'information visuelle dans une situation où le corps est en alerte.»
En apparence très fondamentale, cette étude pourrait un jour avoir des répercussions dans les cabines de pilotage. En effet, lorsqu'ils sont aux commandes de leur appareil, en particulier dans des conditions de vol difficiles, les pilotes sont exposés à une multitude de signaux visuels ainsi qu'à des signaux sonores. Ces derniers présentent l'avantage de ne pas mobiliser leur attention visuelle. Toutefois, des enquêtes menées à la suite d'accidents aériens ont révélé qu'en situation d'urgence, ces signaux sont parfois ignorés par les pilotes. «La réaction de la pupille pourrait théoriquement servir à détecter les situations où cette surdité attentionnelle se produit, avance l'étudiant-chercheur. Notre hypothèse est que s'il n'y a pas de réponse de la pupille, c'est que le pilote n'a pas entendu le signal. Un système intelligent pourrait alors générer une contremesure – un signal visuel par exemple – pour capter l'attention du pilote. Le recours à un oculomètre présenterait l'avantage de ne pas entraver les mouvements des pilotes, contrairement aux appareils qui mesurent la réponse d'orientation au niveau du cœur, du cerveau ou de la peau.»
L'étude parue dans l'International Journal of Psychophysiology est signée par Alexandre Marois, Katherine Labonté, Mark Parent et François Vachon de l'École de psychologie.