
Au Québec, la plupart des producteurs de canneberges se sont dotés d'un système de gestion de l'eau en circuit fermé grâce auquel ils contrôlent l'arrivée et l'évacuation de l'eau dans chaque bassin de culture. L'approche classique utilisée par les producteurs consistait à arroser les champs à intervalles réguliers. Grâce à l'irrigation de précision, ils peuvent maintenant effectuer des arrosages adaptés aux conditions locales du sol dans chaque partie du champ.
— Canneberges Québec
Cette stratégie de gestion de l'eau repose en bonne partie sur les travaux menés au cours des dix dernières années par l'équipe de la Chaire de recherche industrielle CRSNG-Hortau en irrigation de précision, dirigée par Jean Caron. «La canneberge est une plante dont les besoins en eau sont énormes, signale-t-il. Par exemple, pour une même superficie, il faut quatre fois plus d'eau pour cultiver des canneberges que des fraises. Par ailleurs, les surplus d'eau sont aussi très néfastes à la canneberge parce qu'ils causent l'asphyxie des racines. La marge entre un manque d'eau et un excès d'eau est donc très limitée.»
Pour mieux répondre aux caprices hydriques de la canneberge, 90% des producteurs québécois se sont dotés d'un système de gestion de l'eau en circuit fermé. Grâce à un réseau de réservoirs qui accumulent l'eau de fonte et de pluie, de canaux d'irrigation, de pompes, de gicleurs et de réservoirs de récupération d'eau, ils peuvent régulariser l'arrivée et l'évacuation d'eau dans chaque bassin de culture et recycler 75% de l'eau. «L'approche classique utilisée par les producteurs consistait à effectuer un arrosage régulier – deux heures à tous les deux jours, par exemple – afin de répondre aux besoins des plantes. Le problème est que ces besoins varient au fil du temps et que les champs ne sont pas uniformes. Certaines zones sont susceptibles de s'assécher plus rapidement, alors que d'autres conservent l'eau plus longtemps. C'est là que l'irrigation de précision devient une option intéressante.»
Jean Caron et son équipe, dont font partie les professeurs Silvio Gumière, Steeve Pépin et Jacques Gallichand, ont développé des recommandations d'irrigation qui se basent, entre autres, sur l'information fournie par des capteurs sans fil, fabriqués par la compagnie Hortau, qui mesurent en temps réel l'humidité du sol. Ce système intelligent permet un arrosage de précision, adapté aux conditions locales du sol dans chaque partie du champ. «Nos travaux ont mis en lumière le fait que l'eau qui se trouve dans le fond des bassins de culture peut remonter vers la surface par effet de mèche, souligne le professeur Caron. Comme nos capteurs mesurent cet apport, il a été possible de réduire de 2 à 6 fois les volumes d'arrosage. L'eau est gratuite, mais la main-d'oeuvre et le diesel ou l'électricité qui actionne les pompes entraînent des coûts à chaque arrosage.»
Le système de l'entreprise Hortau comprend aussi des capteurs de température placés à la surface du sol, à la hauteur des bourgeons des canneberges. «Ceci permet de commander des arrosages lorsque les conditions météorologiques risquent de créer un stress chez les plantes, souligne Jean Caron. On peut ainsi protéger les plantes contre les chaleurs élevées pendant l'été et aussi contre le gel au printemps et à l'automne.»
Les canneberges répondent généreusement lorsqu'elles sont traitées aux petits oignons. «L'irrigation de précision produit des augmentations de rendement à l'hectare de l'ordre de 25% pour l'ensemble de la production au Québec. De telles performances, qui placent le Québec parmi les leaders nord-américains, permettent aux producteurs de rentabiliser les coûts d'un système d'irrigation de précision dès la première année», signale le chercheur. L'autre retombée positive de ces travaux est qu'ils participent à la formation de personnel qualifié qui favorise le développement rapide de l'industrie québécoise de la canneberge. «Plusieurs étudiants-chercheurs et étudiants de premier cycle qui ont participé à nos recherches sur la canneberge travaillent maintenant dans ce secteur. Quelques-uns sont à l'emploi d'organismes gouvernementaux, mais la plupart travaillent pour les entreprises qui produisent des canneberges. Ils ont assuré un transfert de connaissances rapide et efficace dont profite tout le secteur de la canneberge au Québec.»
Les auteurs de la communication présentée lors du Colloque de recherche en hydrologie au Québec sont Jean Caron, Tiphaine Jabet et Carole Boily, du Département des sols et de génie agroalimentaire, et Monique Thomas, de l'Association des producteurs de canneberges du Québec.