
L'étude suggère qu'après les séances d'appel, les loups semblent vouloir déterminer la provenance des hurlements, qu'ils se rapprochent légèrement du point d'appel, mais qu'ils le font sans se presser.
— Retron
En moins d'un siècle, l'attitude des Nord-Américains à l'endroit des loups est passée de la haine à l'admiration, constate Mathieu Leblond, postdoctorant au Département de biologie. Reflet de ce changement d'attitude, les soirées d'appel aux loups se multiplient et attirent de plus en plus de participants. Ainsi, au parc provincial Algonquin, en Ontario, environ 10 000 personnes assistent chaque année à cette activité. «Les appels effectués par les naturalistes lors de telles séances sont probablement interprétés par les loups comme un avertissement que d'autres loups ne faisant pas partie de leur meute se trouvent à proximité, avance le postdoctorant. Jusqu'à présent, les études pour évaluer l'incidence de ces appels se sont surtout attardées au taux de réponse vocale des loups. Nous avons examiné les effets de ces activités sur une autre dimension de leur comportement, leurs déplacements.»
Pour ce faire, Mathieu Leblond et les chercheurs Christian Dussault, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, et Martin-Hugues St-Laurent, de l'UQAR, ont suivi les déplacements de loups munis de colliers GPS avant et après 20 séances d'appels. Ces appels ont été faits en solo ou en duo par des naturalistes expérimentés lors de séances étalées sur quatre mois. Les chercheurs ont limité leurs analyses aux loups susceptibles d'avoir entendu ces appels en identifiant ceux qui se trouvaient dans les parages du point d'appel dans les 6 heures précédant ou suivant l'activité. «Comme les loups ont une audition plus développée que les humains, ce rayon peut atteindre 5 km, précise Mathieu Leblond. En appliquant ces critères de sélection, nous avons pu analyser les déplacements de 4 des 22 loups munis de GPS.»
Les résultats de leurs analyses, publiés dans le Canadian Journal of Zoology, révèlent qu'après l'appel, les loups se rapprochent légèrement du lieu de l'activité. La distance moyenne entre les localisations des loups et le point d'appel, qui était de 13 km dans les 48 heures précédant les appels, passe à 9,5 km dans les 48 heures suivantes. L'espacement moyen entre les loups de la meute diminue de 1 km, mais leur vitesse de déplacement ne change pas. «Ces résultats suggèrent que les loups semblent vouloir déterminer la provenance des hurlements, qu'ils se rapprochent du point d'appel, mais qu'ils le font sans se presser», résume le postdoctorant.
Les séances d'appel semblent donc avoir peu de répercussions sur les déplacements des loups, mais il faudrait confirmer cette conclusion sur un échantillon plus grand de loups et de meutes, à partir d'un plus grand nombre de séances d'appel, précise le chercheur. Les nouveaux colliers GPS qui donnent la position de l'animal en temps réel pourraient également révéler des effets à court terme qui ont échappé aux chercheurs dans leur étude. Les appareils utilisés enregistraient une seule localisation aux 4 heures.
En attendant ces études plus exhaustives, les gestionnaires de la faune et des parcs devraient faire montre de prudence et tenir compte de la nature territoriale des loups, souligne Mathieu Leblond. «Il serait sage d'espacer les séances d'appel dans le temps et de diversifier les lieux où elles se déroulent. Si on utilise régulièrement le même endroit, les loups pourraient croire qu'une meute occupe véritablement ce territoire, ce qui pourrait nuire à l'utilisation d'un habitat convenable pour l'espèce. Il faut laisser la place aux vrais loups.»