
La méthode Kangourou consiste à porter un enfant prématuré sur le ventre 24 heures sur 24, peau contre peau, plutôt que de le laisser à l'hôpital dans une couveuse.
— Nurtured by Design
Cette étude, lancée au début des années 1990, est le fruit d'une collaboration entre l'équipe de la pédiatre-chercheuse Nathalie Charpak, de Bogota, et celle du professeur Tessier. Entre 1993 et 1996, les chercheurs avaient recruté 716 enfants prématurés et de petit poids, nés dans un hôpital de Bogota. Pour adoucir les premiers jours de vie de ces enfants vulnérables, les chercheurs avaient demandé à la moitié des parents de recourir à la méthode Kangourou. Ils devaient donc porter leur enfant en continu sur le ventre et, dans la mesure du possible, lui donner exclusivement du lait maternel. Dès que l'enfant était en mesure de prendre le sein, il pouvait retourner à la maison avec ses parents. La méthode Kangourou était appliquée jusqu'à ce que l'enfant atteigne une taille correspondant à 37 semaines de gestation.
Les études antérieures menées par ces chercheurs avaient révélé que, à l'âge de 1 an, les enfants du groupe Kangourou avaient un taux de survie comparable ou supérieur à celui des enfants prématurés placés en couveuse après leur naissance. Les chercheurs avaient également montré que les enfants Kangourou avaient un meilleur développement cognitif et des liens parents-enfant de qualité supérieure à ceux des enfants du groupe témoin. «Ces différences étaient plus marquées chez les grands prématurés», précise le professeur Tessier.
Entre 2012 et 2014, les chercheurs ont retrouvé une partie des jeunes de la cohorte initiale et ils ont soumis 228 enfants Kangourou et 213 enfants du groupe témoin à une série de tests. Résultat? Les bienfaits observés à l'âge de 1 an sur le développement cognitif et les relations familiales étaient toujours présents au début de l'âge adulte. De plus, les jeunes du groupe Kangourou avaient un taux plus faible d'absentéisme à l'école et ils affichaient moins d'hyperactivité, moins d'agressivité et moins de conduites sociales déviantes que les jeunes du groupe témoin. «Leurs résultats scolaires ne sont pas meilleurs que ceux des autres enfants, mais ils sont plus persévérants dans leurs études», ajoute Réjean Tessier.
Selon le chercheur, la méthode Kangourou procurerait une stimulation sensorielle positive pendant une période cruciale du développement neurologique de l'enfant. Son efficacité se manifesterait surtout chez les prématurés les plus vulnérables et les plus fragiles. «L'intervention fait en sorte que l'enfant se développe dans un environnement qui imite mieux qu'une couveuse le milieu dans lequel il se trouverait s'il était encore dans le ventre de sa mère», avance le professeur Tessier. Environ 18 millions d'enfants prématurés et de petit poids naissent chaque année dans le monde. «Il serait intéressant qu'un plus grand nombre de ces enfants puissent profiter des avantages de cette méthode peu coûteuse qui peut être appliquée même dans les pays en développement.»