
Une plongeuse examine la faune sous-marine des Escoumins, en particulier des anémones plumeuses.
— Michel Lafleur
«Pour les plongeurs québécois, dit-elle, la Côte-Nord et la Gaspésie comptent certains des plus beaux sites de plongée du Nord-Est américain. La confluence entre les eaux de l’Arctique et de l’Atlantique, en plus de l’apport en eau douce provenant du Saint-Laurent, expliquerait la richesse faunique qu’on y trouve.»
Camille V. Lefebvre vient de déposer son mémoire de maîtrise en sciences géographiques. Sa recherche a porté sur les paysages sous-marins du Québec, en particulier sur le jardin des Escoumins. L’endroit est situé dans le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, sur la Côte-Nord, dans la petite municipalité du même nom.
L’étudiante a effectué une revue extensive de la littérature scientifique, régionale aussi bien que mondiale, sur le concept de paysage sous-marin. Sa recherche a donné peu de résultats, ce qui ne la surprend guère. «Ce concept ne fait pas l’unanimité dans le milieu scientifique, explique-t-elle. On a plutôt tendance à comparer les milieux sous-marins à l’espace nordique. Dans les deux cas, il existe une perception qu’il s’agit de milieux vides de sens.»
Plus de 70 plongeuses et plongeurs québécois ont été interviewés par Camille V. Lefebvre. Elle a aussi fait une demi-douzaine d’entrevues semi-dirigées avec des acteurs clés du domaine. «Les répondants ont notamment mis en lumière la diversité des sites de plongée au Québec, du fleuve aux lacs, en passant par les rivières, indique-t-elle. Les plongeurs trouvent de tout sur le territoire, de l’eau douce comme de l’eau salée. On peut plonger en maillot de bain à certains endroits. On peut passer sous la glace ailleurs. On peut aussi se rendre à des épaves.»
Camille V. Lefebvre connaît bien le site des Escoumins. À partir des berges, l’immense paroi rocheuse se continue sous l’eau. L’élément aqueux grouille de vie. Le va-et-vient de la marée affecte la couleur de l’eau. «La biodiversité et l’abondance des organismes animaux et végétaux sont impressionnantes, affirme-t-elle. Le portrait multicolore, fait notamment de rose, de mauve, de pêche, de bleu et de vert, contraste avec la vision surfacique brune du fleuve.»
Plus de 90 espèces de poissons ont été répertoriées aux Escoumins. On observe aussi une demi-douzaine de cétacés communs, ainsi que trois espèces de phoques. Les espèces emblématiques de l’endroit comprennent, entre autres, des anémones plumeuses de grande taille. Lorsque pleinement ouvertes, celles-ci peuvent atteindre une quarantaine de centimètres de haut et une vingtaine de centimètres de diamètre.
En 2014, en l’absence de statistiques officielles et d’après les calculs de l’étudiante, la communauté des plongeurs au Québec comprenait quelque 3 000 adeptes. Selon elle, ce sport récréatif, pratiqué sur l’ensemble du territoire, peut être bien plus qu’une activité de niche. «La majorité de la population québécoise habite à moins de 10 kilomètres du fleuve, dit-elle. Longtemps, la population a ignoré le Saint-Laurent. Mais depuis quelques années, dans le contexte postmoderne actuel, on observe un regain d’intérêt pour le fleuve dans le cadre d’un élan global de conscientisation relativement à la fragilité de la nature. Au Québec, cet élan va de pair avec la mise en œuvre de politiques d’aménagement des berges. Ces programmes favorisent la réappropriation symbolique du Saint-Laurent. Ce contexte bénéficiera inévitablement à la mise en valeur et à la reconnaissance des paysages subaquatiques.»