
En 2014, le Québec comptait 309 apiculteurs qui veillaient sur quelque 50 000 colonies. Environ 90% de ces colonies ont été louées pour la pollinisation.
Le titulaire de cette chaire, Pierre Giovenazzo, est l'un des rares experts en sciences apicoles au Québec. «Mes premiers travaux sur les abeilles datent de 1991. À l'époque, le professeur Jean-Marie Perron se préparait à partir à la retraite et il cherchait quelqu'un pour continuer un projet de recherche sur l'hivernage des reines. J'ai accepté le défi et, petit à petit, j'ai développé une expertise pratique en sciences apicoles.»
En 1997, Pierre Giovenazzo commence à étudier le parasite Varroa destructor, un acarien qui attaque les abeilles. «Le parasite n'était pas encore présent au Québec, mais il est arrivé peu de temps après, précise-t-il. En 2002, 55% des colonies québécoises d'abeilles ont été décimées par Varroa. J'ai vu des apiculteurs pleurer de désespoir pendant cette période. Je suis allé faire un stage en Allemagne pour m'initier aux outils de lutte intégrée utilisés en Europe pour combattre ce parasite.»
Dans les années qui suivent, sa carrière de chargé de cours va bon train – il a d'ailleurs remporté six prix d'excellence pour la qualité de son enseignement à la Faculté des sciences et de génie –, mais il trouve tout de même le temps de faire un doctorat sur la lutte intégrée contre Varroa destructor, en plus de mener des travaux de recherche sur les abeilles au Centre de recherche sur les sciences animales de Deschambault (CRSAD).
Son expertise l'amène à devenir membre de la Table filière apicole du Québec du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), où siègent des représentants des apiculteurs et des producteurs de bleuets, deux industries qui marchent main dans la main. En effet, les apiculteurs offrent des services de pollinisation en déplaçant leurs ruches jusqu'aux champs des producteurs de bleuets qui en font la demande. «Là où des abeilles sont passées au printemps, les champs sont bleus en été», se plaît à dire Pierre Giovenazzo pour vanter l'efficacité de ces pollinisateurs. La demande pour les services de pollinisation de l'abeille domestique a doublé au Québec au cours des 15 dernières années; l'augmentation de la superficie des terres consacrée à la culture du bleuet expliquerait cette hausse fulgurante. Comme cette croissance se poursuit au rythme de 20% par année et que d'autres productions horticoles, notamment la canneberge, pourraient améliorer leur rentabilité grâce à ces pollinisateurs, le Québec doit pouvoir compter sur des populations d'abeilles en santé.
C'est au cours d'une réunion de la Table filière apicole, en 2012, qu'a germé l'idée de créer une chaire qui offrirait une formation structurée en apiculture en plus de faire avancer les connaissances dans ce domaine, rappelle Pierre Giovenazzo. Un comité de financement est alors mis sur pied et ses démarches ont porté leurs fruits. Au cours des cinq prochaines années, le CRSAD, le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec et la Fédération des apiculteurs du Québec investiront 350 000$ dans la Chaire sur les sciences apicoles. «La création de cette chaire va nous permettre d'offrir le premier cours en sciences apicoles dans une université québécoise, souligne le professeur Giovenazzo. Nous allons aussi développer des activités de formation pour les gens qui travaillent dans le milieu et pour ceux qui veulent acquérir des connaissances en apiculture. Par ailleurs, nous allons poursuivre nos travaux de recherche grâce aux 400 ruches installées au CRSAD.»
Les principaux projets de recherche auxquels s'attaquera la chaire touchent la sélection génétique et l'alimentation de l'abeille. Présentement, le Canada importe chaque année près de 150 000 reines de la Californie, du Chili, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. «Nous voulons développer des variétés d'abeilles performantes et bien adaptées aux conditions locales ainsi qu'aux besoins des apiculteurs, notamment pour les services de pollinisation du bleuet et de la canneberge.» Par ailleurs, le chercheur craint que le fait que les abeilles exploitent une espèce végétale unique pendant des périodes prolongées puisse entraîner certaines carences alimentaires les rendant plus vulnérables aux maladies et aux parasites. «Ces carences, combinées aux problèmes causés par les insecticides et les herbicides, pourraient expliquer les taux de mortalité élevés observés depuis quelques années chez les abeilles», avance le titulaire de la chaire.
«Le Québec a un grand besoin de spécialistes universitaires en sciences apicoles, a déclaré le doyen de la Faculté des sciences et de génie, André Darveau, au lancement de la chaire qui a eu lieu le 21 mars. Cette CLE est essentielle pour améliorer la productivité des apiculteurs et assurer la pérennité de l'industrie de l'apiculture en mettant à la disposition des producteurs une formation de haut calibre.» Le recteur Denis Brière a abondé dans le même sens. «La création de cette CLE encouragera la relève dans le secteur apicole en bonifiant notre offre de cours à tous les cycles et en consolidant l'apport d'un enseignant dynamique et actif depuis plus de 15 ans en apiculture.

De gauche à droite, Léo Buteau, président de la Fédération des apiculteurs du Québec, Pierre Giovenazzo, titulaire de la CLE, Jean-Paul Laforest, président du CA du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault et Marc Larouche, président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec.
— Photo: Louise Leblanc