
Cette image montre, à gauche, T. pyriformis, un protozoaire qui se nourrit de bactéries, et deux structures qu'il a expulsées et qui contiennent des déchets de digestion. À droite, un grossissement de l'une de ces structures montre, en noir, des bactéries de l'espèce C. jejuni qui ont résisté au processus de dégradation. Les couches de lipides dont elles sont enrobées favoriseraient la survie et la propagation de ces bactéries, qui causent des intoxications alimentaires chez l'humain.
— Hana Trigui, Valérie Paquet et Richard Janvier
La réponse résiderait dans une forme de protection que la bactérie acquiert fortuitement au contact d'un autre microorganisme, Tetrahymena pyriformis. «On savait que ce protozoaire se nourrit de bactéries qu'il phagocyte, explique le professeur Charette. Pour des raisons que nous ne comprenons pas encore, certaines bactéries résistent au processus de digestion et elles se retrouvent avec d'autres déchets dans des structures appelées corps multilamellaires, que le protozoaire expulse dans l'environnement. Les corps multilamellaires sont formés de lipides du protozoaire et ils confèrent une certaine protection aux bactéries. Nous avons voulu savoir si T. pyriformis pouvait former ce type d'enrobage autour de C. jejuni.»
Les chercheurs ont donc placé les deux microorganismes dans le même milieu de culture et ils n'ont pas eu à attendre bien longtemps avant d'obtenir une réponse. Deux heures après le début de l'expérience, des corps multilamellaires contenant des bactéries vivantes apparaissaient dans le milieu extracellulaire. Restait à savoir si cet enrobage leur conférait une forme de protection. Les tests de viabilité effectués par les chercheurs ont montré que les bactéries enrobées vivent au moins 60 heures à l'air libre, alors que des bactéries non enrobées meurent toutes en moins de 48 heures.
Selon le professeur Charette, cet enrobage pourrait être une bénédiction pour C. jejuni. En théorie, il pourrait la protéger, du moins partiellement, contre l'oxygène, le dessèchement, les désinfectants, les antibiotiques, le gel et les acides de l'estomac, ce qui favoriserait sa survie, sa propagation et sa capacité de causer des gastroentérites chez l'humain par l'entremise de la viande ou de l'eau. «Notre étude constitue un premier pas pour démontrer le rôle potentiel des protozoaires ciliés dans la propagation de C. jejuni par le processus d'enrobage dans des corps multilamellaires, résume le chercheur. Pour l'instant, nous n'avons pas la preuve que ce processus contribue à la survie de la bactérie sur des aliments, mais nous comptons justement répondre à cette question dans la prochaine étape de nos travaux.»
L'étude parue dans Applied and Environmental Microbiology est signée par Valérie Paquet et Steve Charette, du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique et de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes, et par Hana Trigui et Sébastien Faucher, de l'Université McGill.