
Cette image de la nébuleuse de la Lyre, produite à l'aide de SITELLE au Télescope Canada-France-Hawaï, montre une étoile en fin de vie qui se débarrasse de ses couches externes de gaz.
— Groupe de recherche en astrophysique, Université Laval
Le transport, l'installation et les tests servant à valider la fiabilité de l'instrument astronomique ont eu lieu cet été, mettant un point final à cette aventure qui a duré presque dix ans. En effet, la première version de cet appareil a été réalisée au milieu de la décennie 2000 par Frédéric Grandmont, ingénieur-physicien chez ABB, alors qu'il était doctorant dans l'équipe de Laurent Drissen. En 2009, une subvention des gouvernements fédéral et provincial, obtenue dans le cadre du programme de la Fondation canadienne pour l'innovation, a permis de lancer les travaux visant à adapter l'instrument pour le TCFH.
L'équipe de l'Université et d'ABB a terminé l'assemblage des composantes de SITELLE en avril dernier, mais il restait encore quelques détails à régler. «Le spectromètre imageur a été fabriqué à une température de 20 degrés Celsius, mais il fallait vérifier son comportement à des températures voisines du point de congélation, comme celles au sommet du Mauna Kea, explique Laurent Drissen. Nous avons donc installé l'instrument dans une salle spéciale du Département de génie civil et de génie des eaux, où on a abaissé la température jusqu'à –10 degrés Celsius. SITELLE est fait de différents matériaux ayant chacun un coefficient de dilatation propre. Ces tests nous ont permis d'établir comment il fallait compenser l'effet du froid sur l'appareil.»
Il a fallu prendre certaines précautions pour transporter, de Québec à Hawaï, cet appareil de 2 mètres de hauteur qui pèse au-delà de 400 kg et dont la valeur est estimée à plus de 4 M$. «SITELLE a fait le voyage en avion, dans une soute à marchandise régulière. Ses composantes avaient été soigneusement placées dans trois caissons afin de prévenir les dommages, mais j'étais tout de même inquiet», admet le professeur Drissen. L'instrument s'est rendu à bon port sans histoire et l'ingénieur responsable du TCFH, Marc Baril, a supervisé son transport par camion jusqu'à l'observatoire situé à 4 200 mètres d'altitude.
Au début d'août, Laurent Drissen, la doctorante Laurie Rousseau-Nepton et le stagiaire postdoctoral Thomas Martin se sont rendus au TCFH pour soumettre SITELLE à l'épreuve du feu. «Nous avions cinq nuits à notre disposition, mais, dès les premiers tests, nous avons réalisé que l'appareil fonctionnait et que les données étaient excellentes, rapporte le professeur Drissen. C'était "absolument capotant".» Le principal avantage de SITELLE est qu'il collecte des données astronomiques beaucoup plus efficacement que les instruments du même type. Il permet d'obtenir l'image et le spectre de l'ensemble d'un objet céleste en une seule opération et il génère un spectre pour chacun des 4,2 millions de pixels que contient chaque image qu'il produit.
SITELLE fait désormais partie intégrante du TCFH. Les chercheurs des quatre coins du monde qui désirent l'utiliser doivent déposer une demande et espérer qu'elle sera retenue par le comité de sélection qui attribue le temps d'observation. Même Laurent Drissen doit suivre cette voie. «Je suis d'ailleurs associé à 17 équipes qui ont fait une demande au TCFH. C'est peut-être beaucoup, reconnaît-il, mais la livraison de ce spectromètre imageur dans lequel j'ai investi plusieurs années de ma vie n'est pas une fin en soi. J'espère maintenant l'utiliser pour ce qui compte vraiment: faire de la science.»