
Construit à l'extrémité sud du lac Champlain, l'ancien fort Carillon a été le théâtre, en 1758, d'une importante victoire militaire française sur l'armée britannique.
— Joseph Gagné
À la fin d’août, une dizaine d’étudiants membres du Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), dont une majorité est inscrite en histoire ou en géographie à l’Université Laval, ont effectué une excursion de quelques jours sur l’axe de la rivière Richelieu et du lac Champlain.
«Le gros des efforts militaires français dans la mise en place de ce système défensif commence vers 1730, explique Joseph Gagné, doctorant en histoire et principal organisateur de l’excursion des membres du CIEQ. Les quatre places fortes joueront un rôle important durant la guerre de Sept Ans entre la France et la Grande-Bretagne. Ce conflit, qui se déroula officiellement de 1756 à 1763, se termina, en Amérique du Nord, par la cession du Canada par la France.»
Durant quelques jours, au fil de leurs visites des vestiges des quatre forts français, tous des lieux patrimoniaux aujourd’hui, les étudiants ont revécu une période charnière de l’histoire du Québec et du Canada. Joseph Gagné insiste sur le fort Saint-Frédéric. Située à la limite de l’État de New York et de l’État du Vermont, cette fortification pouvait héberger des centaines de soldats.
«La construction du fort Saint-Frédéric a pris fin en 1737, indique-t-il. C’était le lieu d’approvisionnement du dispositif défensif français. On y trouvait notamment un moulin à farine et des potagers.»
L’étudiant rappelle que l’armée française repoussait régulièrement les attaques de l’armée britannique au début de la guerre de Sept Ans. Mais, graduellement, le surnombre a joué en faveur des agresseurs. «Les colonies britanniques d’Amérique comprenaient un million d’habitants à l’époque, précise-t-il. La Nouvelle-France, elle, n’avait que 80 000 habitants au Canada.»
Le fort Carillon était le plus au sud du dispositif. Cet endroit est celui qui a suscité le plus d’intérêt chez les étudiants. Sa construction a démarré en 1755. Il fut le lieu, en 1758, d’une importante victoire française. Le 8 juillet, environ 3 500 soldats français commandés par le général de Montcalm ont repoussé l’assaut de quelque 17 000 Britanniques. Les premiers ont eu environ 500 hommes blessés et tués. Dans les rangs adverses, le nombre de blessés et de morts s’éleva à près de 2 000.
En 1759, peu avant la prise de Québec, les Français, face à une armée britannique très supérieure en nombre, ont dû détruire leurs forts un à un avant de se replier vers Montréal. «On ne voulait pas que l’ennemi s’y installe et les fortifie à son tour, souligne Joseph Gagné. On voulait plutôt l’obliger à tout reconstruire.» Peu après la prise des forts Saint-Frédéric et Carillon, les Britanniques ont construit de nouveaux forts sur les sites, ceux de Crown Point et de Ticonderoga. De nos jours, du fort Saint-Frédéric, seules les fondations existent au ras du sol.
Au début du 20e siècle, le site de Ticonderoga, en ruines, est restauré par la famille propriétaire du terrain. «Certains bâtiments sont reconstruits avec les pierres d’origine encore présentes en grand nombre, raconte l’étudiant. L’emplacement fait toujours l’objet de restaurations.» Selon lui, le site est l’un des rares lieux patrimoniaux d’Amérique du Nord où le paysage a été préservé dans son intégrité. «On a, dit-il, l’impression de se retrouver à l’époque de la construction du fort français.»
La visite de tels lieux permet de mettre en lumière l’histoire commune que les Québécois partagent avec les Américains du Nord-Est. «De la guerre de Sept Ans, on se rappelle la prise de la ville de Québec, en oubliant qu’à cette époque il y avait un territoire français au sud de la frontière, explique Joseph Gagné. D’ailleurs, les étudiants ont été étonnés de voir que des sites comme Crown Point et Ticonderoga tenaient des expositions bilingues, le français étant destiné aux visiteurs québécois. Les Américains se rappellent de leur passé lointain.»
Le court voyage avait aussi pour but de créer de nouveaux réseaux professionnels entre le CIEQ et les lieux historiques visités. L'étudiant rapporte que le fort Ticonderoga possède un centre de recherche et entretient des relations avec les historiens américains. «Les responsables du fort, affirme-t-il, cherchent à développer des collaborations en matière d’éducation, de réseautage et de recherche avec le Québec.»
Pour en savoir plus sur l’excursion sur les anciens forts français: cieq.ca/activites.php?niv2=autres