
La famille des polyphénols regroupe plus de 8000 molécules synthétisées par les végétaux. Les petits fruits, notamment le raisin, contiennent de nombreux polyphénols ayant des vertus pour la santé.
Les polyphénols sont une famille regroupant plus de 8000 molécules synthétisées par les végétaux. Ils sont particulièrement abondants dans les petits fruits comme la fraise, la canneberge, le bleuet et le raisin. On leur prête des vertus dans la prévention et le traitement du cancer, des maladies inflammatoires, cardiovasculaires et neurodégénératives. Certaines molécules appartenant à cette famille auraient même des effets antibiotiques, notamment contre des microorganismes qui causent des maladies buccales.
En théorie, il serait possible de profiter des bienfaits des polyphénols en les consommant sous forme de comprimés. «Par contre, consommer les polyphénols dans des aliments, transformés ou non, permet de profiter de la synergie avec d'autres molécules bioactives bénéfiques pour la santé et, possiblement, d'instaurer de saines habitudes alimentaires», fait valoir Charles Couillard, l'un des auteurs de l'étude. C'est ce qui a donné l'idée au professeur Couillard et à Laurent Bazinet, de l'INAF, à Michel Britten, de l'INAF et d'AAC, et à Denise Felix da Silva et Paula Matumoto-Pintro, de l'Universidade Estadual de Maringá au Brésil, de fabriquer un fromage à forte teneur en polyphénols. Des travaux antérieurs avaient démontré que ces molécules interagissent avec les protéines laitières. Restait à savoir si ces interactions favorisaient ou non le transfert des polyphénols vers le fromage. «Normalement, lorsqu'on part avec 100 kg de lait, on finit avec 10 kg de fromage et 90 kg de lactosérum, rappelle le professeur Britten. Il fallait déterminer quel pourcentage des polyphénols se retrouvait dans la partie fromage.»
Dans une étude précédente, les chercheurs avaient utilisé des polyphénols provenant du thé vert. «Ces molécules passaient bien dans le fromage, mais les tests sensoriels étaient moins concluants, admet Michel Britten. Le fromage avait une coloration verdâtre et il asséchait beaucoup la bouche. Ce problème est causé par les interactions entre certains polyphénols et les protéines responsables de la lubrification de la salive.»
Cette fois, les chercheurs ont eu recours à des polyphénols provenant de raisins pour mener leurs tests. Premier constat: ces molécules ne nuisent pas à la récupération des protéines et des matières grasses du lait, un point important pour maintenir un bon rendement. Second constat: jusqu'à 87% des polyphénols ajoutés au lait passe dans le fromage. «Le résultat est que quelques grammes de ce fromage contiennent autant de polyphénols qu'un litre de jus de raisin», résume Michel Britten. Cette association entre les protéines du lait et les polyphénols présente un grand avantage, fait valoir de son côté le professeur Couillard. «Elle protégerait les polyphénols de la dégradation lors de la digestion. Ceci leur permettrait de rester intacts jusqu'à ce qu'ils atteignent l'intestin où ils exercent leurs effets santé.»
Les résultats de cette recherche ont été communiqués à Novalait, le regroupement des producteurs et des transformateurs de lait du Québec qui a financé les travaux. Des réflexions sont en cours pour savoir quelles suites seront données à l'étude.