
L'ingrédient actif du controversé médicament est synthétisé en laboratoire, mais il a d'abord été isolé dans la bile de certains ursidés comme cet ours noir d'Asie.
— Nicolas Guérin
La CSP frappe 1 personne sur 10 000 au Canada. Elle cause une inflammation des voies biliaires qui entraîne leur rétrécissement et même leur occlusion. La maladie peut évoluer en cirrhose, en cancer des voies biliaires ou en cancer du côlon. Lorsque la maladie atteint un stade avancé, la transplantation du foie devient la seule avenue possible. Sans transplantation, l'espérance de vie après diagnostic est d'environ 12 ans.
Même si aucune agence de santé n'avait approuvé l'usage de l'Ursodiol pour traiter la CSP, ce médicament leur était prescrit depuis une quarantaine d'années, souligne le professeur Barbier. L'ingrédient actif qu'il contient – l'acide ursodésoxycholique - est synthétisé en laboratoire, mais il a d'abord été isolé dans la bile d'ours, d'où son nom. D'ailleurs, les propriétés stimulantes de ce produit sur le foie sont exploitées depuis longtemps en médecine traditionnelle chinoise.
La recommandation de proscrire complètement l'Ursodiol pour le traitement de la CSP a été adoptée dans la foulée d'une étude clinique portant sur l'efficacité du médicament à doses élevées. D'importants effets secondaires, notamment une hausse de mortalité due à une insuffisance hépatique, avaient été observés. Les équipes d'Olivier Barbier et de Piotr Milkiewicz, de l'hôpital général de Varsovie, ont suivi une cinquantaine de patients qui recevaient de l'Ursodiol à doses modérées pour savoir comment ils réagissaient à l'arrêt du traitement. «Nous avons observé une détérioration rapide de leurs fonctions hépatiques et une accélération de l'évolution de la maladie, résume le professeur Barbier. D'ailleurs, la moitié de nos sujets ont décidé de recommencer à prendre le médicament pendant que nous menions notre étude parce que leur qualité de vie en souffrait trop.»
À la lumière de cette étude, les autorités médicales réviseront-elles leur recommandation? «Probablement pas, répond pragmatiquement Olivier Barbier. Par contre, si d'autres études arrivaient aux mêmes conclusions, l'Ursodiol à doses modérées pourrait être réintégré comme traitement de la CSP. Dans l'attente d'une approche médicamenteuse réellement efficace, il est essentiel d'assurer aux patients un usage optimisé de l'Ursodiol leur permettant de bénéficier de ses avantages tout en limitant le risque d'effets secondaires.»