
Cette photo, prise en juillet 2013 dans le parc national Wapusk, près de Churchill au Manitoba, illustre bien l'ampleur de l'assèchement des lacs survenu à la suite d'une série d'hivers peu neigeux.
— Hilary White
Les chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir étudié 70 lacs des régions de Old Crow, au Yukon, et de Churchill, au Manitoba. Il s'agit de petits plans d'eau dont la profondeur est généralement inférieure à un mètre. L'équipe de recherche a établi le degré d'assèchement de ces lacs en mesurant la présence des isotopes 18 et 16 de l'oxygène dans des échantillons d'eau et de sédiments. «L'isotope 16 a une plus grande affinité pour la vapeur d'eau, explique le premier auteur de l'étude, Frédéric Bouchard, stagiaire postdoctoral au Département de géographie et au Centre d'études nordiques. Il est moins abondant dans les précipitations et, une fois dans un plan d'eau, il s'en évapore plus facilement. Lorsque les hivers sont moins neigeux et les étés plus secs, le rapport entre les deux isotopes augmente parce que l'abondance relative de l'isotope 18 s'accroît dans l'eau et dans les sédiments.»
Selon les analyses des chercheurs, plus de la moitié des lacs situés dans des milieux peu accidentés et entourés de végétation rase montrent des signes d'assèchement. Le problème serait surtout causé par une diminution des eaux de fonte. De 2010 à 2012, la moyenne des précipitations hivernales a diminué de 76 mm à Churchill par rapport aux moyennes enregistrées de 1971 à 2000.
L'assèchement de certains lacs, qui commençait à être visible à l'œil nu dès 2010, était encore plus frappant à l'été 2013. «Dans ce type de lacs, les précipitations de neige représentent de 30 à 50% des précipitations totales annuelles, précise le chercheur postdoctoral. Les lacs situés en milieu accidenté ou boisé s'en tirent mieux parce que les obstacles qui les entourent favorisent l'accumulation de la neige poussée par le vent.»
L'assèchement des lacs observés par les chercheurs serait du jamais-vu depuis 200 ans. En effet, les analyses isotopiques pratiquées sur les restes de phytoplancton accumulés dans les sédiments montrent que depuis deux siècles, ces lacs étaient en équilibre hydrique. Cette stabilité s'est brusquement rompue il y a quelques années.
Si la tendance aux hivers moins neigeux et aux étés plus secs se maintient, comme le prévoient les modèles climatiques, une partie des lacs peu profonds des régions subarctiques pourrait s'assécher complètement. «Il est difficile de prévoir toutes les répercussions de ces pertes d'habitats, admet Frédéric Bouchard, mais certaines espèces animales pourraient en souffrir. La perte d'habitats aquatiques au profit d'habitats terrestres pourrait avoir des conséquences écologiques majeures.»
L'article paru dans Geophysical Research Letters est signé par 11 chercheurs. Reinhard Pienitz, également du Département de géographie et du Centre d'études nordiques, compte parmi les auteurs.