
«Madame! Cela ne serait pas prudent. Retirez-vous!», caricature parue le 16 avril 1877 dans Le Charivari
Survenu en 1877, l’un des cas les plus connus de cette querelle concerne l’écrivain et critique d’art britannique John Ruskin et le peintre américain James Abbott McNeill Whistler, rapporte Françoise Lucbert. Ruskin ayant décrit l’un des six tableaux de la série Nocturne in Black and Gold comme étant «un pot de peinture lancé à la face du public», Whistler le poursuit en justice et Ruskin est condamné à lui verser un montant symbolique. L’affaire fait grand bruit et rapporte une immense publicité à Whistler, qui est lié au mouvement impressionniste. Parlant d’impressionnisme, on doit à un critique d’art, Louis Leroy, le terme «impressionniste» pour désigner les peintres de ce mouvement. Après avoir vu la toile de Claude Monet, Impression soleil levant, exposée en 1874, Louis Leroy a voulu faire un jeu de mots malveillant qui est passé à la postérité.
Des critiques virulentes
Les caricaturistes s’en donnent également à cœur joie pour ridiculiser les peintres qui sortent des sentiers battus du style académique. Par exemple, dans une caricature parue dans un numéro du journal satirique Le Charivari, un gardien de musée tente de dissuader une dame enceinte d’entrer dans une salle d’exposition. Cela dit, on se moque des impressionnistes, mais aussi de certains artistes «officiels» comme Cabanel ou Bouguereau, de souligner Françoise Lucbert. Par ailleurs, écrivains et poètes se portent à la défense de peintres victimes de virulentes critiques, comme le fait Émile Zola pour Édouard Manet et Baudelaire pour Eugène Delacroix, considéré comme le chef de file du romantisme en peinture. L’auteur des Fleurs du mal lui consacre même un poème.
Avec le temps, la profession de critique d’art se transforme, explique Françoise Lucbert. Du seul fait qu’ils achètent leurs œuvres, des mécènes et des collectionneurs font connaître les artistes. Par sa collection personnelle et par ses livres, Gertrude Stein a ainsi contribué à la diffusion du cubisme et, plus particulièrement, à l’œuvre de Picasso. La mécène Peggy Guggenheim a pour sa part fait rayonner l’œuvre de Jackson Pollock. «Aujourd’hui, être critique d’art ne représente plus la même chose qu’au 19e siècle, dit Françoise Lucbert. Dans les revues spécialisées, le discours sur l’art est un discours savant et le public se sent mis de côté. Heureusement, avec les blogues, on peut trouver des critiques qui vont s’adresser de façon plus accessible aux gens, que ce soit à propos d’un artiste ou d’une exposition. Car le rôle d’un critique consiste avant tout à guider et à éclairer le public.»