
La consommation de moules est répandue au Nunavik. Pendant l'été, plus de la moitié de la population mange des moules récoltées à proximité des villages.
— Isabelle Dubois/ArcticNet
L'auteur principal, Benoît Lévesque, du Département de médecine sociale et préventive, rappelle que les moules sont prisées au Nunavik. Une enquête a révélé que la proportion de répondants qui consomme ces mollusques atteint 19 % en hiver et augmente jusqu'à 57 % en été. Les habitants des communautés inuites du Nunavik cueillent les moules à marée basse et les consomment parfois cuites, parfois crues. Comme les moules s'établissent près des côtes, qu'elles se nourrissent en filtrant le phytoplancton, le zooplancton et les autres particules organiques en suspension dans l'eau, et qu'on les retrouve parfois à proximité des sites de déversement des eaux usées, les chercheurs ont voulu savoir si leur consommation posait des risques pour la santé.
Entre 2004 et 2007, des moules ont été récoltées en été et en automne dans des zones situées à proximité des villages de Salluit, Aupaluk, Tasiujaq, Quaqtaq, Kangirsuk et Inukjuak. Les analyses ont montré que ces mollusques étaient pratiquement exempts de bactéries et de virus pathogènes. «Leur qualité est bien meilleure que celle des moules des côtes américaines, des côtes européennes ou encore de l'estuaire maritime du Saint-Laurent», constate le professeur Lévesque. Par contre, les données montrent qu'une bonne partie des moules est contaminée par des protozoaires qui peuvent causer des diarrhées prolongées ou chroniques: 18 % des échantillons contiennent du Giardia duodenalis et 73 % contiennent des souches de Cryptosporidium. «Ces organismes proviennent probablement des mammifères marins et des oiseaux et peuvent être transmis aux humains par l'intermédiaire des moules», précise le chercheur.
Toutes les souches de Cryptosporidium ne sont pas pathogènes et il est possible qu'une immunité naturelle se développe chez les gens qui y sont exposés. «Nous estimons toutefois qu'il vaut mieux ne pas prendre de risques. C'est pourquoi nous recommandons aux gens de faire cuire soigneusement les moules avant de les consommer», explique Benoît Lévesque. Les chercheurs n'ont pas de données permettant d'établir dans quelle mesure la consommation de moules crues est répandue au Nunavik. Toutefois, comme une partie de la population consomme déjà des moules cuites, leur recommandation pourrait être entendue. «Ce serait une bonne habitude à prendre étant donné que le réchauffement climatique pourrait augmenter le risque de contamination biologique des moules, prévient le chercheur. Mais ce n'est pas demain la veille», ajoute-t-il aussitôt.
Christine Barthe (MAPAQ), Brent Dixon et Lorna Parrington (Santé Canada), Daniel Martin (CHUQ), Bill Doidge (Corporation Makivik), Jean-François Proulx (Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik) et Donald Murphy (INSPQ) sont les autres signataires de l'article.