
Au Québec, plus de la moitié des truites mouchetées produites en pisciculture servent à ensemencer les plans d'eau fréquentés par les pêcheurs sportifs.
— .doni.moto
Christopher Sauvage, Nicolas Derôme, Éric Normandeau, Jérôme St-Cyr, Louis Bernatchez, du Département de biologie, et Céline Audet, de l'UQAR, arrivent à ces conclusions après avoir étudié la transcription de gènes dans un groupe de truites mouchetées capturées dans la rivière Laval sur la Côte-Nord. Ces truites sont élevées en pisciculture depuis le milieu des années 1990 et celles qui affichent les meilleurs taux de croissance sont croisées entre elles. Cette sélection artificielle donne des résultats spectaculaires: après trois générations, leur taux de croissance dépasse de 35 % celui de truites de la même lignée croisées au hasard.
Les analyses génétiques effectuées par Christopher Sauvage indiquent toutefois des différences dans la transcription de 4 % des gènes entre les deux groupes de truites, un écart jugé substantiel en aussi peu de temps. Dans le groupe sélectionné, les gènes surexprimés sont majoritairement en lien avec le métabolisme des protéines; quant aux gènes sous-exprimés, ils sont surtout associés au métabolisme des acides nucléiques et à la défense contre les maladies. «Nous avons obtenu des résultats similaires lors d'une étude antérieure menée sur des saumons atlantiques sélectionnés pour une croissance rapide», souligne Louis Bernatchez.
Ces résultats jettent un pavé dans la mare des pisciculteurs. «Au Québec, plus de la moitié des truites produites en pisciculture servent à ensemencer les plans d'eau pour la pêche sportive. Comme la valeur des truites est établie en fonction de leur taille, les producteurs ont tout intérêt à choisir des lignées de truites qui croissent rapidement. Cette sélection artificielle améliore la rentabilité de leur entreprise, mais elle menace toutefois l'intégrité génétique des populations naturelles de truites mouchetées», résume-t-il.
Comment concilier les impératifs économiques des pisciculteurs et la préservation de la génétique de cette espèce? Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune a entrepris une réflexion sur le sujet et il a mandaté le professeur Bernatchez pour proposer des solutions d'ici le printemps prochain. «Il faudra faire des compromis de part et d'autre, annonce-t-il déjà. Il n'est pas question de renoncer aux ensemencements, mais nos études montrent qu'on ne peut pas ensemencer n'importe où, n'importe comment.»