
L'équipe derrière cette découverte: Jean-Yves Masson, Yan Coulombe, Anne-Marie Dion-Côté, Rémi Buisson et Hélène Launay.
— Marc Robitaille
Des chercheurs de la Faculté de médecine viennent d'élucider le mécanisme d'action d'une protéine qui joue un rôle clé dans la réparation de l'ADN. L'article que l'équipe du professeur Jean-Yves Masson publie à ce sujet dans la dernière édition en ligne de Nature Structural and Molecular Biology laisse entrevoir la possibilité de recourir à des produits qui inhibent ce mécanisme pour détruire les cellules cancéreuses.
Chaque jour, entre 2000 et 10 000 lésions surviennent de façon spontanée dans l'ADN du corps humain. Heureusement, les protéines de réparation veillent au grain et interviennent rapidement pour limiter les dommages. Ces gardiens de l'intégrité du génome ne sont cependant pas à l'abri de mutations qui compromettent l'efficacité de leur travail. Ainsi, les personnes qui sont porteuses de mutations dans le gène d'une protéine de réparation appelée PALB2 courent de deux à six fois plus de risques d'avoir un cancer du sein. Chez les personnes atteintes d'un cancer du pancréas, les mutations de la PALB2 viennent au deuxième rang au chapitre de la fréquence, tout juste derrière les mutations de BRCA2, une autre protéine de réparation de l'ADN.
Dans leur article, Rémi Buisson, Anne-Marie Dion-Côté, Yan Coulombe, Hélène Launay, Jean-Yves Masson, du Centre de recherche en cancérologie, et leurs collaborateurs Hong Cai, Alicja Stasiak, Andrzej Stasiak et Bing Xia décrivent dans le menu détail comment la protéine PALB2 intervient dans le mécanisme de réparation de l'ADN. Ils expliquent aussi comment elle interagit avec les protéines BRCA2 et RAD51 pour accroître l'efficacité de cette intervention. «Ce mécanisme, nommé recombinaison homologue, est remarquable, car il permet de réparer l’ADN de façon fidèle à partir de séquences d’ADN non endommagées. C’est en sorte une façon de protéger nos gènes», explique Jean-Yves Masson.
Les protéines de réparation de l'ADN représentent des cibles intéressantes pour de nouveaux traitements du cancer. En théorie, l'inactivation de ce mécanisme dans des cellules cancéreuses favoriserait l'accumulation des lésions et, possiblement, la mort de ces cellules. Des tests cliniques portant sur des inhibiteurs d'une autre protéine de réparation, la PARP, sont d'ailleurs en cours dans le monde. Les données montrent que la majorité des cellules cancéreuses dans lesquelles la protéine BRCA2 est défectueuse sont très sensibles aux inhibiteurs de la PARP. «L’ajout d’inhibiteurs de PARP aux cellules mutées en BRCA2 fait en sorte que deux mécanismes précis de réparation de l’ADN sont touchés, ce qui affecte dramatiquement la viabilité cellulaire», souligne le chercheur.
Jean-Yves Masson et son équipe ont eu l'idée de répéter ce test, mais cette fois avec des cellules cancéreuses dans lesquelles la protéine PALB2 était défectueuse. «Nos résultats indiquent que le taux de survie de ces cellules est réduit de quatre à dix fois selon les lignées utilisées. Ces inhibiteurs seraient donc particulièrement efficaces pour traiter le cancer du sein chez les femmes qui ont une mutation dans le gène PALB2», estime-t-il.
Le professeur Masson entend maintenant explorer les applications cliniques de cette découverte. «Nous aimerions d'abord tester les inhibiteurs de PARP sur des animaux qui ont des tumeurs provenant de cellules portant un gène PALB2 défectueux. Si ces tests sont concluants, nous envisageons, à plus long terme, d'en faire l'essai chez des femmes atteintes d'un cancer du sein qui ont une mutation dans le gène PALB2.»