
Au Québec, la chasse au dindon sauvage est restreinte aux mâles. Comme ces oiseaux sont polygynes, le prélèvement des mâles risque moins de perturber les effectifs de l'espèce.
— Robert Gee
Le dindon sauvage est une espèce indigène d'Amérique du Nord. «Son aire de répartition historique couvrait presque tous les États américains et il semble qu'il existait une petite population de dindons sauvages dans le sud du Québec à l'arrivée des premiers colons», signale le professeur Tremblay. Cette population aurait disparu, tout comme les populations des États du Nord-est américain. C'est à la faveur de programmes de réintroduction de cette espèce dans les États du Vermont et de New York que le dindon sauvage aurait fait un retour au Québec à la fin des années 1970. Grâce à sa fécondité élevée — les femelles pondent de 10 à 12 oeufs chaque printemps —, l'espèce s'est progressivement déplacée vers le nord. Elle serait maintenant présente jusqu'à Drummondville et même en Beauce, quoique la libération de dindons élevés en captivité complique l'interprétation des observations, précise Jean-Pierre Tremblay. L'omniprésence des champs de maïs et l'abondance des grains perdus dont le dindon se nourrit, combinées à des hivers moins rigoureux, auraient favorisé l'essor de l'espèce.
Décrit comme un oiseau vif, méfiant et farouche, le dindon sauvage est un gibier recherché. À l'instar des autres gallinacés comme la gélinotte, le tétras et le lagopède, son vol est explosif. «Les filets à canon ne sont pas assez rapides pour le capturer, signale le chercheur. Nous devons avoir recours à des filets à rockettes.» Au Québec, une chasse expérimentale menée de 2005 à 2007 en Montérégie a livré des résultats qui ont convaincu le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) d'instaurer une chasse sportive printanière au dindon en 2008. Lors des deux premières années de chasse, le nombre de dindons abattus a atteint 584 et 1024. Même si la chasse ne durait que cinq demi-journées, qu'il fallait avoir suivi un cours de chasse à cette espèce et que la limite était d'un oiseau par chasseur, pas moins de 3 000 Québécois détenaient un permis de chasse au dindon en 2009. Ce nombre pourrait grimper cette année alors que la saison de chasse passera à 12 demi-journées.
Reste que cette espèce se trouve ici à la limite nord de sa répartition et que sa survie hivernale est précaire. Comme le dindon se nourrit de végétaux et d'invertébrés qu'il trouve au sol, un hiver particulièrement neigeux pourrait décimer sa population. Le professeur Tremblay et son collègue Pierre Blanchette du MRNF, de concert avec la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs, projettent de suivre à la trace — électronique — des dindons sauvages afin de mieux documenter l'écologie de cette espèce et les paramètres qui influencent son abondance. «Le projet a commencé cet hiver avec le marquage de 20 dindons dans la région de Dunham. À terme, nous équiperons 90 dindons de colliers VHF et 10 dindons de colliers GPS, et nous poserons des bagues sur plus de 200 oiseaux afin d'étudier leur survie et leur utilisation de l’habitat», souligne le professeur Tremblay. Ces connaissances serviront au développement d'un modèle de population et d'indicateurs fiables pour assurer l'exploitation durable du dindon sauvage au Québec. Les conclusions de cette étude sont attendues en 2014 et elles serviront à étoffer le plan de gestion de cette espèce.