
Le sismomètre est en contact direct avec un affleurement rocheux situé sous le pavillon Pouliot.
— Marcel Langlois
Le premier sismographe a fait son entrée à la Faculté des sciences et de génie à l'automne 1970. Le professeur Gabriel Leblanc avait fait l'acquisition de cet instrument et il en avait confié l'installation à son étudiant-chercheur Reynald Du Berger. «Le sismomètre doit être en contact direct avec le roc pour bien capter les ondes sismiques, explique celui qui allait par la suite devenir professeur de géologie à l'UQAC. Je me souviens avoir rampé sous le pavillon pour trouver un affleurement rocheux adéquat.» Soucieux de communiquer les données obtenues au plus grand nombre, les deux hommes avaient placé le sismographe — l'appareil qui génère les graphiques d'activité sismique — dans une vitrine du hall d'entrée du pavillon Pouliot. «Il avait fallu passer un fil d'une quarantaine de mètres de long dans les murs, entre le sous-sol et le hall d'entrée, pour relier les deux appareils», se rappelle M. Du Berger.
Les graphiques étaient alors générés à l'aide d'un style reposant sur une feuille de papier fixée à un cylindre rotatif. Chaque feuille correspondait à une journée d'enregistrement, de sorte qu'il fallait en installer une nouvelle, à la main, toutes les 24 heures. Après le départ de MM. Leblanc et Du Berger, cette tâche a incombé au professeur Jean-Yves Chagnon et au technicien Jean-Charles Chouinard, tous deux retraités aujourd'hui. Pendant plus de 20 ans, sept jours sur sept, les deux hommes ont veillé au grain. «Nous avions la réputation d'avoir la station sismologique la plus fiable au Canada pour le suivi des données», souligne M. Chagnon.
Dès son installation, le sismographe de l'Université est intégré au Réseau national sismologique canadien. Géré par la Commission géologique du Canada, ce réseau compte maintenant 125 stations dont la plupart sont déployées dans les deux zones où l'activité sismique est la plus intense au pays: la côte de la Colombie britannique et la vallée du Saint-Laurent. La station du campus, nommée QCQ, est la seule de la grande région de Québec. Ses plus proches voisines sont situées, à l'est, près de l'Île-aux-Coudres et de Saint-Roch-des-Aulnaies, et à l'ouest, à Saint-Jean-des-Piles.
Les temps changent
En 1997, d'importantes rénovations entreprises au pavillon Pouliot forcent le démantèlement temporaire de la station QCQ. «Les vibrations générées par le dynamitage, le creusage et le va-et-vient de la machinerie brouillaient les données», explique l'actuel responsable du sismographe, Richard Fortier. Pas de chance, le 5 novembre 1997, à 21h34, un séisme d'une magnitude de 5,2 frappe la région. Son épicentre se situe tout près de Québec, sous le mont Bélair.
Ce soubresaut d'activité sismique dans la région incite Séismes Canada à moderniser la station QCQ. On installe alors un nouveau sismographe sensible aux tremblements de terre typique de la zone de Charlevoix-Kamouraska. Ces séismes sont dus au relèvement isostatique consécutif au retrait des glaciers et à l'impact d'une météorite aux Éboulements. Ces deux événements ont généré et génèrent encore d'importantes contraintes dans la croûte terrestre et l'énergie qu'elles produisent est libérée sous forme de tremblements de terre, précise le professeur Fortier.
La station QCQ capte les séismes qui surviennent dans la région, mais également ceux dont l'épicentre est situé ailleurs au Canada ou dans le monde, à condition qu'ils soient suffisamment puissants. «Notre sismographe est sensible aux séismes d'une magnitude de 3,5 ou plus qui secouent la zone de Charlevoix-Kamouraska, dit le professeur Fortier. Plus un séisme est éloigné, plus sa magnitude doit être importante pour que la station soit en mesure de le capter.» Ainsi, même si Port-au-Prince est situé à plus de 3000 km de Québec, la station a enregistré les ondes sismiques générées par le tremblement de terre du 12 janvier. Il a fallu moins de six minutes pour que le premier train d'ondes atteigne Québec. Quant au tremblement de terre qui a causé le tsunami dans l'océan Indien le 26 décembre 2004, il a mis une vingtaine de minutes à se propager jusqu'à Québec.
Depuis 1997, les données captées par le sismographe QCQ sont acheminées directement aux bureaux de la Commission géologique du Canada à Ottawa sous forme numérique. Finie la corvée quotidienne du papier graphique imposée par l'ancien appareil. À l'initiative du professeur Fortier, et grâce au travail de l'informaticien Pierre Therrien et de l'étudiant diplômé Éric Damas, il est possible de suivre l'activité sismique enregistrée par la station QCQ en temps réel sur Internet et de consulter les archives des tracés enregistrés au cours du dernier mois (www2.ggl.ulaval.ca/seismographe_r.html). «Si une personne qui a ressenti des vibrations veut savoir s'il s'agit d'un tremblement de terre, elle peut consulter ce site pour le savoir», suggère le professeur Fortier. La vitrine du hall d'entrée du pavillon Pouliot fait aussi foi de cette relève de la garde. L'ancien cylindre rotatif et le papier graphique sont disparus, cédant leur place à un écran d'ordinateur qui fait office de sismographe virtuel.