«Il n’est pas jamais trop tard pour bien faire » dit le dicton. Dans le cas d’espèce, il convient plutôt de dire qu’il ne sera jamais trop tard pour écrire sur….Obama! Pour garder toute ma lucidité et surtout pour éviter de revivre l’expérience des espoirs déçus, j’ai évité du mieux que j’ai pu de m’exposer à la machine politique et médiatique mise en branle par les partisans d’Obama portée en écho par les médias du monde entier. Mais les faits restent ce qu’ils sont, Barack Hussein Obama, métis de son état, de père musulman est aujourd’hui le président des États-Unis.
Si cette élection est somme toute extraordinaire, il reste que la réflexion se trouve ailleurs et les questions aussi. D’ailleurs, je me suis demandée pourquoi une telle éventualité ne s’est pas produite avec Martin Luther King qui s’est contenté de faire un rêve « historique »? Il en avait pourtant la carrure. Je me dis aussi que le pasteur Jesse Jackson, avec tout le crédit qu’il bénéficie auprès de la population américaine toutes catégories raciales confondues, aurait bien pu devenir le premier président véritablement noir des États-Unis ? Des exemples de ce genre, on en trouvera à la pelle. Mais la question fondamentale à mon sens c’est : comment un individu avec autant de caractéristiques perçues négativement (un métis marié à une noire ayant un nom à consonance musulmane et foncièrement africain) a-t-il pu crever le plafond de verre suspendu comme une épée de Damoclès sur les têtes de ses pairs? Comment ceci a-t-il pu se produire après que les maîtres à penser de Bush ont théorisé « le choc des civilisations »? Comment est ce possible alors qu’on a tenté de nous faire croire, qu’après le 11 septembre, la géopolitique mondiale est entrée dans un nouveau paradigme? Comment est ce possible dans un contexte mondial marqué par une islamophobie latente pour ne pas dire réelle entretenue par l’administration Bush? À mon sens, une des lectures qu’il faudrait faire de l’élection d’ Obama c’est qu’elle traduit, avant tout, une volonté et un désir manifeste, de la part des Américains, de changer d’époque après huit années de haine entretenue, d’insécurité et de guerre quasi-permanente d’autant plus que la stratégie de l’administration Bush a abouti à vrai un fiasco économique, politique et j’en passe. Par conséquent, ce n’est pas tant le symbolisme entourant l’élection d’Obama qui devrait retenir le plus l’attention mais le fait que l’Amérique souhaite se réconcilier avec elle-même et avec le monde. Si ces constats ne concernent que le contexte strictement américain, force est de constater que la réaction de la communauté internationale suite à l’élection d’Obama suscite des commentaires tout aussi fondamentaux.
La vague de sympathie autour de la personne d’Obama traduit également un cri du cœur en faveur d’un dépassement des clivages raciaux et religieux savamment (et longuement) entretenue par des groupes occultes. De ce fait, il faut dire que par delà le caractère historique de l’élection d’Obama, la mobilisation historique de son investiture suivie par des millions d’individus à travers le monde est un signe des temps. Cette mosaïque humaine applaudissant l’élection d’un « homme de couleur » (au fait qui ne l’est pas à proprement parler) est la preuve que le monde veut négocier un virage qui va incontestablement le mener vers un monde débarrassé de ces distinctions grotesques fondées sur la race, la religion, l’origine sociale, le sexe. À y regarder de plus près, ce dépassement est à mon sens la suite logique découlant des effets de la mondialisation. Le « concept de village planétaire » n’est pas un concept creux : c’est la réalité. Le monde est réellement devenu un village et ce, en dépit de la persistance des clivages raciaux, socio-économiques, etc. Était-il concevable il y a une trentaine d’années, qu’un individu au fin de l’Afrique puisse être capable de communiquer presque à temps réel avec un autre au fin fond de l’Australie. Nos cadres spatio-temporels ont été mis à mal par les TIC. Par ce fait même, nous avons la preuve que les notions d’« unité » et de « différence » ne sont pas antinomiques. Tout le sens qu’il faut accorder à l’élection d’Obama. Mes seules craintes résident dans l’opérationnalisation de son slogan de campagne « Yes, we can… change » si l’on sait la place occupée par l’industrie de la guerre dans le système économique américain
Ndéye Faty Sarr
Doctorante en sociologie