
Le redoutable doryphore, que l'on voit ici en action, a été supplanté par d'autres espèces dans les champs où croissait la pomme de terre Newleaf produite par la firme Monsanto.
En effet, après avoir passé en revue les 32 tests d'impact environnemental, réalisés par Monsanto ou par ses partenaires, qui comparaient Newleaf à des pommes de terre non transgéniques, les trois chercheurs ont découvert que, dans 42 % des cas, les populations d'insectes ravageurs autres que le doryphore augmentaient dans les champs de Newleaf. Des insectes peu exposés ou peu sensibles à la protéine toxique profitaient de l'absence des doryphores pour passer à table en plus grand nombre. Les herbivores les plus favorisés étaient des insectes suceurs de sève, notamment des pucerons, jusqu'à dix fois plus abondants sur Newleaf, des cicadelles, jusqu'à trois fois plus abondantes, et des punaises, jusqu'à six fois plus abondantes, tous considérés comme nuisibles. «L’impact de ces ravageurs est moins grand que celui du doryphore, mais certaines espèces de pucerons sont tout de même d’importants vecteurs de maladies virales qui détruisent les plants», souligne Conrad Cloutier. Cet impact imprévu de Newleaf aurait eu tôt fait de forcer les producteurs à faire appel à l'arsenal chimique pour protéger leurs champs, reléguant aux oubliettes les prétentions économiques et écologiques du produit. «Nos résultats appuient l'idée selon laquelle le développement de la pomme de terre Newleaf a pu être freiné par ses effets favorables aux insectes suceurs de sève, conclut le professeur Cloutier. Ça pourrait expliquer pourquoi Monsanto n’a pas défendu davantage son produit qui était par ailleurs très efficace contre le doryphore.»
Aux yeux des trois chercheurs, cette étude démontre l'importance de considérer l'impact écologique global des plantes comme Newleaf qui changent la communauté d’espèces associée à une plante et altèrent profondément la hiérarchie de dominance des herbivores dans l'agroécosystème. Même une monoculture comme un champ de pommes de terre constitue un environnement complexe à l’échelle spatiotemporelle des insectes.