
Les printemps plus chauds favoriseront un plus grand succès de nidification de l'oie des neiges sur l'île Bylot, mais pas forcément un meilleur recrutement des jeunes.
— Meggie Desnoyers
Marie-Hélène Dickey, Gilles Gauthier et Marie-Christine Cadieux ont utilisé des données récoltées au fil de 16 saisons de reproduction de l’oie des neiges sur l’île Bylot dans l’Arctique canadien pour documenter comment les variations climatiques annuelles influencent la reproduction de cette espèce. Leurs analyses, qui reposent sur 5 447 nids et plus de 19 000 oisons, révèlent que les années marquées par une température printanière élevée étaient celles où le taux de succès dans la nidification était le plus fort, mais également celles où la taille des oisons à la fin de l’été était à son plus bas. «Lors des années avec printemps hâtif, il pourrait y avoir une baisse dans la disponibilité de nourriture de qualité parce que la densité des oisons est plus élevée ou parce qu’il y a un décalage entre l’éclosion des jeunes et le pic dans la qualité des plantes», avancent les trois chercheurs rattachés au Centre d’études nordiques.
Les modèles climatiques actuels prévoient des augmentations de température d’au moins 4 degrés Celsius et une hausse des précipitations annuelles de 20 % dans l’Arctique d’ici 80 ans. En extrapolant les données de leur étude, les trois chercheurs estiment que si ce scénario se concrétise sur l’île Bylot, la ponte surviendra, en moyenne, cinq jours plus tôt, la densité des nids augmentera de 280 % et le poids des oisons à la fin de l’été diminuera de 50 %. «Ces projections sont assez risquées, prévient Gilles Gauthier, parce qu’elles reposent sur une valeur de réchauffement qui dépasse nettement ce qui a été observé jusqu’à maintenant. Il faut donc les interpréter avec prudence.»
Le chercheur signale néanmoins que la variabilité annuelle dans la croissance et la date d’envol des oisons peut conduire à des taux de survie «aussi élevés que 70 %, mais aussi faibles que 10 %». Même si la baisse de poids des oisons n’atteint pas le 50 % projeté, elle pourra quand même avoir des effets très négatifs sur leur taux de survie. Assez pour contrebalancer les effets positifs du réchauffement? «Pour le moment, il est impossible de trancher, répond le professeur Gauthier, mais nous poursuivons des travaux qui nous aideront à répondre à cette question.»