Véronique Thimon, Ezéquiel Calvo, Omédine Koukoui, Christine Légaré et Robert Sullivan, du Centre de recherche en biologie de la reproduction et du Centre de recherche du CHUL, ont comparé l’expression des gènes dans l’épididyme de trois hommes vasectomisés et de trois hommes non vasectomisés. Ces tissus, fournis par Transplant Québec, provenaient de sujets cliniquement morts qui avaient fait don de leur corps à la science. L’épididyme est un tube glandulaire accolé au testicule qui transporte les spermatozoïdes jusqu’au canal déférent. Il joue un rôle essentiel dans la maturation des spermatozoïdes, leur motilité et leur capacité de féconder l’ovule.
Même s’ils n’ont analysé qu’une partie des gènes exprimés dans l’épididyme, les chercheurs ont découvert 911 gènes spécifiques aux non vasectomisés et 660 gènes spécifiques aux vasectomisés (pour être jugé spécifique, un gène devait être exprimé 1,5 fois plus dans un groupe que dans l’autre). «Parmi les gènes spécifiques aux vasectomisés dont on connaît la fonction, la moitié joue un rôle dans la capacité de liaison du spermatozoïde, une caractéristique très importante pour qu’il puisse y avoir fécondation de l’ovule», précise Robert Sullivan.
Reflux global
La vasectomie ne touche pas directement l’épididyme, mais plutôt les canaux déférents, les structures qui le suivent dans la tuyauterie masculine. Néanmoins, après cette chirurgie, les quelque 3 millions de spermatozoïdes produits quotidiennement par les testicules se trouvent soudainement dans un bouchon de circulation. «Ce qu’il advient des spermatozoïdes après la vasectomie est encore un mystère. Les testicules continuent d’en produire, mais on ne sait pas encore où ils vont et comment ils disparaissent», signale le chercheur. Reste que ce reflux se répercute jusqu’à l’épididyme qui subit une dilatation ainsi que certains dommages tissulaires. «Les récepteurs de pression de l’épididyme pourraient être affectés et influencer l’expression des gènes», croit-il.
Il y aurait présentement 100 millions d’hommes vasectomisés dans le monde. Le taux de vasectomie a atteint un plateau, mais les demandes de recanalisation, elles, sont en hausse. À la suite de changements dans leur vie personnelle, de plus en plus de vasectomisés demandent une recanalisation dans l’espoir d’avoir des enfants. Environ 85 % des recanalisés recouvrent un décompte normal de spermatozoïdes. Pourtant, selon différentes études, les grossesses surviennent, au mieux, dans 50 % des cas et, au pire, dans 15 % des cas. «Nos résultats suggèrent que des dommages induits par la vasectomie pourraient provoquer des changements dans l’expression des gènes de l’épididyme. Si ces dommages sont permanents, ils pourraient expliquer, en partie du moins, les problèmes de fertilité chez les hommes recanalisés», avance le professeur Sullivan.