
Des caméras braquées sur le conducteur permettent d'étudier ses mouvements d'yeux et de tête lors d'une promenade virtuelle
— Marc Robitaille
À l’aide d’images captées par trois caméras, les chercheurs ont étudié les mouvements de la tête et des yeux des participants alors qu’ils étaient au volant d’un véhicule expérimental installé dans leur laboratoire. Les conducteurs devaient effectuer des manoeuvres les obligeant à changer de voie soit pour éviter un obstacle immobile (manoeuvre simple) ou pour effectuer un dépassement (manoeuvre complexe) dans un environnement virtuel de conduite généré par un logiciel commercial. Les images des événements qui se déroulaient sur la route étaient projetées sur le mur situé devant le véhicule expérimental, incluant l’image d’un rétroviseur montrant ce qui se passait derrière. La présence ou l’absence d’une voiture en mouvement sur le côté du véhicule était simulée par un signal lumineux rouge (présence) ou vert (absence) placé en retrait en position latérale. Pour effectuer un contournement ou un dépassement sécuritaire, le sujet devait jeter un coup d’oeil à trois zones névralgiques - le rétroviseur, le miroir latéral gauche et l’angle mort –, avant d’amorcer la manoeuvre, sans perdre de vue ce qui se passait devant lui.
Non seulement les conducteurs âgés consultent-ils moins systématiquement les trois zones névralgiques, mais, contrairement aux jeunes, ils ne modifient pas leur comportement dans des situations plus complexes. Ainsi, les jeunes vérifient l’angle mort dans 75 % des situations de contournement et dans 98 % des cas de dépassement, alors que chez les conducteurs âgés, ces pourcentages sont de 38 % et de 43 % respectivement. Les chercheurs ont observé la même tendance pour le recours au rétroviseur et au miroir latéral. «L’attention des conducteurs âgés semble accaparée par ce qui se passe devant, au point qu’ils oublient de vérifier ce qui se passe derrière et sur le côté de leur véhicule, souligne Martin Lavallière. La conduite d’une automobile semble plus difficile pour les conducteurs âgés en raison de ce rétrécissement perceptif, qui se manifeste entre autres par une diminution de l’amplitude des mouvements oculaires.» Ces résultats ont été rendus publics par l’étudiant-chercheur à l’occasion de la Journée scientifique du Réseau québécois de recherche sur le vieillissement qui avait lieu le 19 octobre à Orford. Sa présentation lui a valu à le prix de la meilleure présentation par un étudiant au doctorat.
Conduite préventive
Le nombre de conducteurs âgés est en hausse au Québec. Entre 1980 et 2004, le taux de détenteurs de permis est passé de 36 % à 72 % chez les 65 à 74 ans, et de 12 % à 39 % chez les 75 ans et plus. Les statistiques montrent que, si l’on tient compte du kilométrage parcouru, les conducteurs âgés de 75 ans ou plus sont deux fois plus à risque d’accidents que le groupe des 25-64 ans. «Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent à l’heure actuelle un conducteur sur cinq, signale Martin Lavallière. L'augmentation du nombre d’aînés dans la population et leur volonté de conserver leur autonomie en conduisant nous confrontent à un défi de taille: le maintien des aptitudes à conduire avec l'avancement en âge.»
Selon l’étudiant-chercheur, une meilleure connaissance des comportements des conducteurs âgés aiderait à la mise en place de programmes centrés sur l’adoption de comportements plus sécuritaires. Il entend d’ailleurs tester cette hypothèse lors de ses études doctorales en invitant des personnes âgées à utiliser le simulateur automobile pour faire diagnostiquer leur comportement derrière le volant et pour faire l’apprentissage de stratégies visuelles plus adéquates. «Nous allons ensuite déterminer si la pratique sur simulateur a un effet sur la façon dont les sujets conduisent en situation réelle, explique-t-il. Le grand avantage du simulateur est que tout se déroule dans un environnement sécuritaire. Si le conducteur commet une erreur, personne ne risque d’être blessé.»