
Au Canada, environ 8 500 feux surviennent chaque année et causent la destruction de 2,5 millions d'hectares de forêts, soit 2,5 fois la superficie prélevée par l'industrie forestière.
Le professeur Cumming et ses collègues Cecilia Arienti et Stan Boutin, de l'Université de l'Alberta, publient dans un récent numéro du Canadian Journal of Forestry Research une analyse détaillée des facteurs qui augmentent le risque qu'un incendie de forêt échappe au contrôle des équipes d'intervention. Leur étude, qui repose sur 1 196 feux survenus dans le nord de l'Alberta entre 1995 et 2002, indique que 90 % des incendies couvrent moins de 3 hectares à l'arrivée des premières équipes. Leurs interventions, efficaces dans la très grande majorité des cas, font en sorte que ce type d'incendie n'est responsable que de 15 % des superficies brûlées. «Les échecs de réaction - les premières interventions ont lieu une fois que l'incendie couvre déjà 3 hectares - ne représentent que 10 % des cas, mais on leur attribue 85 % des superficies brûlées, signale Steven Cumming. C'est de ce côté qu'il faut concentrer les efforts si on veut réduire les pertes.»
Les facteurs cause et temps de réponse
Parmi les facteurs qui accroissent le risque d'échec de réaction figure la cause de l'incendie. En effet, le risque d'échec est trois fois plus élevé si le feu est déclenché par la foudre plutôt que par une main humaine. Les feux provoqués par la foudre surviennent fréquemment loin des endroits fréquentés par des travailleurs ou des villégiateurs, de sorte qu'ils sont signalés moins rapidement, soulignent les auteurs de l'étude. Or, le temps de réponse est un facteur critique dans le contrôle des incendies forestiers. Par ailleurs, le risque d'échec de réaction est plus grand si l'incendie survient au printemps, période de l'année où l'humidité du feuillage est à son plus bas en forêt boréale. Il s'accroît également en fonction de l'abondance d'épinette noire (en période estivale seulement) et du pin (lorsque les conditions météorologiques sont propices à la propagation du feu). Par contre, l'abondance des arbres feuillus, des épinettes blanches ou d'aires de coupes forestières n'influence pas la probabilité d'échec de réaction.
Évidemment, on ne choisit pas le lieu ni le moment où un incendie forestier survient, mais il est possible d'agir sur le temps de réaction, soutient le professeur Cumming. «Il serait intéressant de déterminer ce qui cause la variabilité des temps de réponse dans les cas d'échecs de réaction, dit-il, en particulier lorsque plusieurs incendies surviennent simultanément. Comment étaient disposées les ressources disponibles sur le terrain? Sur quelles bases les a-t-on assignées aux différents incendies? Quelle était la valeur des forêts qui composaient les superficies brûlées? Des modèles quantitatifs comme ceux sur lesquels nous travaillons pourraient aider les responsables des équipes d'intervention dans leur prise de décisions.»
Selon le chercheur, la science et la technologie ont permis de diminuer significativement les pertes engendrés par les incendies de forêt depuis le milieu du 20e siècle au Canada. Il déplore toutefois le peu de ressources aujourd'hui consacrées à ce domaine même si, dans l'ensemble du pays, les budgets alloués à la lutte contre les feux de forêt dépassent un milliard de dollars par année. Les organismes gouvernementaux n'ont pas de budget pour soutenir la recherche dans ce domaine parce que tout l'argent en lien avec les incendies forestiers va aux sociétés chargées des interventions sur le terrain; ces dernières consacrent peu ou pas d'argent aux études scientifiques parce que leur priorité est d'éteindre des feux. «C'est une situation sans issue dans laquelle la recherche sur les incendies forestiers se retrouve perdante», résume le professeur Cumming.