
Le DMAE (2-diméthylaminoéthanol) est utilisé dans de nombreux produits antirides présentés dans les publicités comme des «face-lift instantanés» et des «antidotes au passage des ans». On en retrouve aussi dans des cosmétiques, des crèmes, des rouges à lèvres, des shampoings, des savons et des lotions pour bébés, même si son mode d’action était inconnu.
Les tests in vitro effectués par Guillaume Morissette, Lucie Germain et François Marceau montrent que l’application de DMAE provoque un gonflement rapide et spectaculaire des vacuoles de cellules cutanées appelées fibroblastes. Les vacuoles sont des réservoirs qui interviennent dans les échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule; on y retrouve diverses molécules ainsi que des déchets cellulaires. Selon les chercheurs, le gonflement pathologique des fibroblastes serait dû à l’absorption de DMAE et d’eau dans les vacuoles.
Si les chercheurs utilisent le terme pathologique pour décrire ce gonflement, c’est que dans les heures qui ont suivi l’application du DMAE, ils ont observé un ralentissement important de la division cellulaire, allant jusqu’à son arrêt, une inhibition de certaines réactions métaboliques et la mort d’un pourcentage significatif de fibroblastes. Ce taux de mortalité, qui variait en fonction directe de la concentration de DMAE, dépassait 25 % après 24 heures pour des concentrations s’apparentant à une application normale de crème antirides. L’épaississement de la peau provoqué par le gonflement pathologique des vacuoles expliquerait l’effet antirides du DMAE, résument les trois chercheurs.
«Même si le DMAE est un produit quasiment médicamenteux et que d’autres produits de la même famille sont des médicaments, il existe très peu de documentation scientifique sur ses effets pharmacologiques et toxicologiques», déplore François Marceau. Le chercheur se défend toutefois de partir en croisade contre ce composé. «Nous n’affirmons pas qu’il est dangereux pour la santé, mais nos résultats indiquent qu’il serait temps de faire une étude sérieuse pour le savoir.»
Le cas du DMAE n’est pas un unique dans le monde des produits de beauté, poursuit le chercheur. «Plusieurs composés qui se retrouvent dans les cosmétiques sont aussi complexes que les médicaments, ils sont absorbés par la peau, ils sont concentrés dans les cellules, ils circulent dans le sang, ils sont éliminés par les reins ou peut-être même stockés dans le foie. Pourtant, le cadre réglementaire qui régit leur usage est beaucoup moins strict que celui des médicaments», constate-t-il.
Le professeur Marceau est bien conscient que son message de prudence risque de ne pas être bien accueilli par les fabricants de cosmétiques ni par les personnes qui font usage de produits antirides. «Depuis des siècles, les femmes sont prêtes à prendre des risques pour être belles», note-t-il. Ce risque est-il trop grand dans le cas du DMAE? «Il est inconnu. C’est d’ailleurs là tout le problème.»
À ceux et celles qui veulent garder une peau jeune le plus longtemps possible, le professeur-médecin n’a pour l’instant qu’une recommandation, qui doit cependant être suivie à la lettre toute la vie durant: éviter l’exposition directe aux rayons solaires.