Les chercheurs ont mesuré le contrôle de l’équilibre chez un groupe de 28 hommes avant et après une importante perte de poids. La moitié de ces personnes, des sujets obèses qui pesaient en moyenne 100 kilos, ont été soumises à un régime amaigrissant qui leur a permis de perdre 12 kilos. Les autres participants, des sujets obèses morbides qui pesaient environ 150 kg, ont subi une chirurgie bariatrique. Cette intervention consiste à enlever une partie de l'estomac et à effectuer la dérivation des enzymes digestives produites par le foie et le pancréas vers une zone distante de l’intestin, réduisant ainsi l'assimilation de la nourriture par l'organisme. Trois mois après l’intervention, ces sujets avaient perdu 32 kilos; après une année, leur perte de poids se situait à 71 kilos.
La stabilité posturale des participants a été mesurée avant et après la perte de poids à l’aide d’une plate-forme de force qui enregistre les déplacements du centre de pression lorsque le corps oscille. Lors des tests, les sujets, pieds joints, devaient maintenir leur équilibre postural pendant 30 secondes, une première fois les yeux ouverts, et par la suite les yeux fermés. «La vitesse à laquelle se déplace leur centre de pression constitue un bon indicateur de l’effort requis pour maintenir leur équilibre», précise Normand Teasdale.
Avant de perdre du poids, les obèses et les obèses morbides affichaient respectivement une instabilité de 30 % à 85 % plus grande que les sujets de poids normal d’un groupe témoin. Ces écarts étaient encore plus prononcés lorsque les sujets effectuaient le test les yeux fermés. Chez les deux groupes de sujets obèses, la perte de poids a été suivie d’une amélioration de la stabilité posturale et l’importance de cette amélioration est directement proportionnelle au nombre de kilos perdus. La différence de stabilité entre les deux groupes de sujets obèses a disparu et l’écart de performance avec les sujets normaux a fondu à 15 %.
Les chercheurs avancent deux hypothèses pour expliquer ces résultats. D’une part, une perte de poids au niveau abdominal ramènerait le centre de masse plus près de l’axe du corps, réduisant ainsi l’importance des forces requises pour maintenir l’équilibre et, conséquemment, l’ampleur des oscillations. D’autre part, la réduction de la surface de contact entre la plante du pied et le sol qui suit une perte de poids pourrait raffiner l’information sensorielle provenant des récepteurs plantaires qui interviennent dans le maintien de l’équilibre. «On croit que l’affaissement de la voûte plantaire chez les personnes obèses cause une saturation de l’information provenant des mécanorécepteurs de sorte qu’elles perçoivent moins bien les oscillations», explique le professeur Teasdale.
Il n’y a pas d’études épidémiologiques qui prouvent que les personnes obèses sont plus à risque de chuter. Il existe toutefois des preuves indirectes, notamment une étude rapportant une incidence élevée de fractures des dents antérieures chez les adolescents obèses. «Sur le plan de l’ampleur des oscillations, les sujets obèses que nous avons testés avaient des comportements semblables à ceux des personnes qui chutent régulièrement, souligne toutefois le chercheur. On présume que la meilleure stabilité posturale qui a suivi la perte de poids a réduit leurs risques de chute.»