
Jean-Philippe Chaput, Vicky Drapeau et Angelo Tremblay (Médecine sociale et préventive, kinésiologie), Simone Lemieux et Véronique Provancher (Département des sciences des aliments et de nutrition) et leur collègue écossaise Marion Hetherington ont étudié un groupe de 11 hommes obèses soumis à un programme d'activité physique combiné à une diète restrictive. Le programme a produit les effets escomptés: les sujets ont graduellement perdu 11 % de leur poids sur une période d’environ sept mois avant d’atteindre un plateau. «C’est typique des résultats que nous obtenons avec les personnes obèses. Lorsque la perte de poids atteint entre 10 et 12 % du poids initial, on arrive à un plateau, comme si le corps se défendait contre un amaigrissement supplémentaire», commente l’étudiant-chercheur Jean-Philippe Chaput. Les chercheurs ont noté que les paramètres métaboliques des 11 sujets, notamment le taux de cholestérol et de triglycérides, avaient pris du mieux par rapport aux valeurs initiales, même si, sur la base de leur indice de masse corporelle, les participants étaient encore obèses.
Un mois après l’atteinte du plateau, les sujets ont subi une batterie de tests qui a révélé que les conditions gagnantes pour une reprise de poids étaient réunies. D’abord, leur métabolisme au repos avait diminué de 13 % par rapport à ce qu’il était en début de régime, ce qui signifie que la facture reliée au fonctionnement de base de leur organisme était réduite de 230 kcal/jour. Ensuite, tous les indices associés au désir de manger étaient en hausse. «Ces changements font en sorte qu’il est difficile de ne pas reprendre le poids perdu», constate Jean-Philippe Chaput. Par ailleurs, les chercheurs ont aussi observé une hausse importante des symptômes dépressifs, hausse qui aurait des fondements physiologiques. «Nous avons mesuré des changements dans le taux de glucose sanguin et dans celui de certaines hormones qui seraient liés aux symptômes de dépression», précise l’étudiant-chercheur.
Le plus étonnant de l’affaire est que, lorsque la perte de poids était inférieure à 10 % du poids initial, tous les bienfaits physiologiques du programme étaient présents et aucun des effets négatifs n’était encore mesurable. «Une petite différence de deux kilos est suffisante pour enclencher une réaction de défense de l’organisme», observe Jean-Philippe Chaput. Si le programme avait été ajusté en cours de route pour ne pas franchir le seuil critique, les sujets auraient-ils pu en retirer un effet optimal et durable? En théorie, la chose semble possible. En pratique, elle se bute au fait que les motivations de la plupart des personnes qui s’astreignent à un régime sont de nature esthétique. «Le culte du corps parfait pousse les gens à maigrir le plus possible, mais il faut les aider à accepter des objectifs raisonnables de perte de poids. Nos résultats constituent une preuve qui leur montre que des objectifs trop ambitieux provoquent des changements physiologiques qui favorisent la reprise de poids en plus de fragiliser leur santé mentale», fait valoir l’étudiant-chercheur.