
Détail de la fresque symbolique L'École d'Athènes, réalisée entre 1510 et 1511 par le peintre italien Raphaël, montrant deux figures majeures de la pensée antique, Platon et Aristote.
La Chaire recevra du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) une aide de 200 000$ annuellement, et ce, jusqu'en 2022. Les travaux qu'on y mènera couvriront plus de 2 000 ans d'histoire. La Chaire intégrera à ses activités le projet de partenariat Raison et révélation: l'héritage critique de l'Antiquité. Lancé en 2014 par le professeur Narbonne, ce projet réunit aussi plusieurs chercheurs internationaux, une quarantaine répartis sur trois continents. Il poursuivra ses activités de façon autonome, tout en demeurant très étroitement lié aux projets de la Chaire. Son financement, à hauteur de 700 000$ sur 7 ans, est assuré par le CRSH. Il devrait s'élever à 1,3 M$ avec la participation financière de différents partenaires.
Les Grecs ont inventé la démocratie mais, si l'on peut dire, au jour le jour, par essais et erreurs. Le système culturel de liberté qu'ils ont construit s'est avéré fondamental pour l'essor des sociétés modernes. «Ce modèle critique fonctionnel était là en Grèce, souligne Jean-Marc Narbonne. Cependant, il avait ses défauts, comme aujourd'hui lorsqu'on se plaint d'un déficit de démocratie.» Cette liberté sociale influençait également le domaine artistique, où existait une réelle liberté de créer. Dans ses pièces de théâtre, un auteur comique comme Aristophane critiquait, voire raillait les hommes politiques. En fait, le questionnement critique irriguait toutes les disciplines, de la philosophie à l'histoire, en passant par l'astronomie et la médecine.
Selon le professeur, un nouveau mode de rapport au monde est né en Grèce ancienne: l'attitude critique. Ce pli culturel s'imprimera à jamais dans la conscience humaine. «La liberté intellectuelle grecque se distinguait par sa neutralité, sa distance critique et sa liberté interprétative, précise-t-il. Même Homère, dans L'Iliade, montre un souci d'objectivité en parlant en bien autant des Achéens vainqueurs que des Troyens vaincus.»
L'expérience grecque du monde, c'est aussi l'idée du pur plaisir esthétique, le goût du beau et des arts. «Aristote, le tout premier, dit-il, a défendu le droit de chacun au merveilleux, à la fiction.»
La culture grecque s'est imposée par ses enseignements riches et variés. «Dès le début du christianisme, explique Jean-Marc Narbonne, on relisait les auteurs grecs. En Occident, on s'est toujours ressourcé aux Grecs. On les lit encore aujourd'hui parce qu'ils sont instructifs, parce que les questions qu'ils soulèvent nous passionnent encore et parce qu'ils modifient notre manière de voir.» Selon le professeur, on rencontre déjà, chez les Grecs, quelque chose du concept moderne de «société ouverte».
Au cours de la cérémonie, Jean-Marc Narbonne fera coup double. En plus de la Chaire, il lancera son plus récent ouvrage Antiquité critique et modernité, sous-titré Essai sur le rôle de la pensée critique en Occident. Ce livre, publié en France chez Les Belles Lettres, s'inscrit dans le mandat de la Chaire. L'auteur y propose une relecture du monde moderne fondée sur une réinterprétation de l'input antique grec, qu'il qualifie de «réservoir immense de réflexions».
L'automne prochain, la Chaire s'associera à la Chaire Unesco d'étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique de l'UQAM.