L'architecture, il n'y a pas d'âge pour y prendre goût. C'est l'idée derrière Pop-Ville, une initiative qui vise à faire découvrir cet art de manière ludique et originale. Pour la première mouture de l'événement, offerte dès le 18 juin, deux parcours pédestres sont proposés, l'un dans le Vieux-Québec et l'autre dans le quartier Saint-Jean-Baptiste.
Pour participer, il suffit de se procurer un dépliant au dépanneur La Duchesse d'Aiguillon (pour le quartier Saint-Jean-Baptiste) ou aux Cafés du Soleil (pour le Vieux-Québec) et suivre l'itinéraire proposé. À l'intérieur du document, des codes QR permettent d'accéder à du contenu en ligne, comme des balados, des capsules vidéo et des projets en réalité augmentée. Aussi au programme, des jeux d'observation et plusieurs activités interactives.
L'initiative est celle de la médiatrice culturelle Catherine-Eve Gadoury. L'idée lui est venue durant le confinement en mars 2020. «Je cherchais une activité à faire avec mes enfants, raconte-t-elle. J'ai créé un parcours architectural, que j'ai partagé avec des amis. À partir de là, j'ai contacté l'École d'architecture pour voir s'il y avait un intérêt à pousser l'idée plus loin.»
Trois étudiants à la maîtrise en architecture ont levé la main: Laurie Bédard, Luiza Santos et Adrien Larochelle. Avec la professeure et spécialiste du patrimoine Odile Roy, ils ont sillonné la ville à la recherche d'idées pour alimenter les parcours pédestres. «Notre rôle était de nous promener dans les rues avec l'œil curieux de l'architecte qui s'intéresse à des détails auxquels les gens prêtent peu attention. À l'École d'architecture, c'est justement ce regard que l'on développe. L'exploration de la ville nous a permis de cibler des points d'intérêt au-delà du Château Frontenac, l'exemple architectural classique», explique Adrien Larochelle.
L'étudiant a vu dans ce projet l'occasion de démystifier le travail de l'architecte. «Peu de gens savent réellement ce que fait un architecte. Pour moi, il est important de faire connaître notre domaine d'études et d'amener les enfants à se questionner sur l'architecture.»
Pour Catherine-Eve Gadoury, née d'un père architecte et d'une mère urbaniste, il faut initier l'enfant à l'architecture dès son plus jeune âge. «J'ai toujours été étonnée que l'architecture ne fasse pas partie des programmes en éducation artistique dans les écoles, comme c'est le cas en France. Si on veut protéger et aimer quelque chose, il faut d'abord le connaître. Les enfants, comme nous, sont façonnés par la ville; il suffit de les aider en dirigeant un peu leur regard pour que tout à coup apparaisse un nouvel univers devant eux.»
Amener les enfants à s'émerveiller devant l'architecture: la tâche est plus simple qu'il n'y paraît, assure-t-elle. «Les enfants sont déjà en quelque sorte de petits architectes; ils construisent des châteaux de sable, des cabanes, des maisons en Lego. L'organisation de l'espace, les lignes, les formes, les couleurs, tout ça les intéresse. L'architecture est une discipline qui appelle l'enfance.»
Surprises et découvertes au menu
Le parcours du quartier Saint-Jean-Baptiste comprend 11 stations. Le point de départ est l'église Saint-Jean-Baptiste, sur la rue Saint-Jean. Fermé au culte depuis 2015, ce bâtiment patrimonial devra se trouver une nouvelle vocation. Au cours de leur visite, les participants de Pop-Ville seront invités à imaginer des solutions de conversion.
«L'église Saint-Jean-Baptiste fait assurément partie des plus beaux bâtiments religieux au Québec, dit Adrien Larochelle. Les idées des enfants pour trouver de nouveaux usages ne seront pas forcément loufoques. Il faut penser en dehors de la boîte pour modifier un bâtiment aussi magnifique, grandiose et complexe qu'une église.»
Autre arrêt: l'intersection de la rue Saint-Jean et de l'avenue Turnbull, où se trouve une maison surmontée d'une tourelle qui détonne dans le décor. «Il s'agit d'une architecture de style forteresse développée par Elzéar Charest, un architecte du quartier, explique Catherine-Eve Gadoury. Cette tourelle, dont la seule fonction est décorative, fait un clin d'œil à l'architecture de château, très forte à Québec à cause du passé militaire de la ville. Déjà, l'architecture de château est anachronique, Québec n'ayant jamais été médiévale. L'architecture forteresse est donc une interprétation d'une interprétation. Cette tourelle, je la trouve amusante.»
Cette fois, les enfants seront invités à dessiner des bâtiments du coin en y ajoutant des éléments architecturaux de la tourelle.
Du côté du Vieux-Québec, on compte 10 stations. Le départ se fera sur la rue Sous-le-Cap. Cette petite rue, qui date de la Nouvelle-France, est située au pied du Cap Diamant. L'estuaire de la rivière Saint-Charles étant beaucoup plus large à l'époque, les eaux atteignaient régulièrement l'arrière des maisons. Pour ne plus se mouiller les pieds, les habitants ont construit un système de passerelles et de galeries.
Pour animer cette station, le comité organisateur de Pop-Ville a fait appel à Carol-Ann Belzil-Normand, doctorante en littérature et arts de la scène et de l'écran et chargée de cours à l'École de design. L'artiste a créé une vidéo inspirée de l'histoire du lieu qu'il sera possible de visionner avec son téléphone intelligent. «Ce qui me fascine de la rue Sous-le-Cap, dit Carol-Ann Belzil-Normand, c'est l'inventivité architecturale du lieu. Les passerelles et l'exiguïté de la rue en font un endroit singulier et ingénieux adapté aux intempéries liées au contexte historique du Vieux-Québec. Pour Pop-ville, j'ai créé une vidéo expérimentale à partir d'une documentation photographique du lieu. Des photographies qui se métamorphosent de manière poétique, un peu comme les mouvements de la marée.»
Autre arrêt coup de coeur des organisateurs: la cour du Séminaire de Québec, là où s'élevait autrefois la maison Hébert-Couillard. La finissante en architecture Anne-Sophie Beaumont-Audet a réalisé une reconstitution 3D du bâtiment à partir des informations du service d'archéologie de la Ville. Pour la première fois donc, on pourra voir de quoi avait l'air cette maison, symbole de la fondation de la Nouvelle-France, grâce à la réalité augmentée.
Plusieurs autres artistes ont collaboré à la création des différentes stations, dont Aline Martineau et Wartin Pantois, tous deux diplômés de l'Université Laval. Spécialiste de l'histoire de la ville de Québec et diplômé du programme de sciences historiques, Jean-François Caron a lui aussi contribué au projet comme consultant.