«Les francophones actifs de la classe moyenne âgés entre 18 et 54 ans ont constitué le groupe porteur du projet de souveraineté, indique-t-il. En 1995, lors du référendum, 70% d'entre eux ont voté pour le oui. Aujourd'hui, cette proportion est tombée à 40%.»
Simon Langlois était l'un des conférenciers au colloque La démocratie référendaire dans les États plurinationaux. L'activité, organisée par le Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie, s'est déroulée les 29 et 30 octobre au Cercle du pavillon Alphonse-Desjardins.
Dans son étude sur l'évolution de l'appui à la souveraineté depuis 20 ans, le conférencier est arrivé à divers constats. «Une des choses qui m'ont frappé, dit-il, est le fort déclin de l'appui à la souveraineté chez les nouveaux groupes d'électeurs en âge de voter. Entre 2001 et 2015, les 18-24 ans en faveur du oui sont passés de 55% à 32%.» Selon lui, les jeunes Québécois d'aujourd'hui ont une identité forte, mais qui ne va pas nécessairement jusqu'à appuyer l'indépendance. En ce sens, ils contredisent le député et essayiste Jean-François Lisée qui postule que plus on s'identifie au Québec, plus on peut appuyer le projet souverainiste. «Les jeunes, soutient le professeur, se sentent Québécois, mais au sein du Canada. Il y a une sorte de divorce, de césure entre l'identité et le sentiment d'appartenance.»
Un autre constat de Simon Langlois concerne les femmes actives. Son analyse révèle que la démobilisation de celles-ci au sein du groupe porteur a été plus prononcée que celle des hommes. «Leur nombre, précise-t-il, est en baisse depuis 2000. Ce phénomène a suivi la grève très dure des infirmières, en 1999, qui avait pris fin par une loi spéciale. Je pense que ce déclin s'explique par le fait que les femmes sont plus sensibles aux questions de justice sociale. Or, elles retrouvent moins ces aspects dans le programme du Parti québécois, où l'on met davantage l'accent sur la création de la richesse.»
Moins de jeunes, plus de retraités et davantage de gens de 65 ans et plus: la structure sociale du Québec a passablement changé en 20 ans. Et cette évolution a inévitablement eu des répercussions sur l'adhésion au projet souverainiste. «Ceux qui avaient 55 ans en 1995 se sont socialisés à l'époque du Canada français, souligne le professeur. Ils ont de l'attachement pour le Canada.»
Ménages plus riches et ménages plus pauvres, anglophones et allophones, personnes sans emploi ou prestataires de l'assistance sociale: depuis 20 ans, un noyau dur d'environ 50% d'électeurs n'appuie pas le projet souverainiste. Il ne faut pas non plus oublier les indécis, dont le nombre augmente sans cesse depuis une dizaine d'années. «Les anglophones, dit-il, vont s'opposer à ce projet parce qu'ils rejettent l'idée d'être mis en minorité dans un Québec indépendant.»
Et la région de Québec? Simon Langlois répond que le groupe porteur du projet indépendantiste dans cette région, en 1995, a voté à 59% pour le oui comparativement à une moyenne de 64% dans les autres régions du Québec, à l'exception de l'Outaouais. «Depuis, ajoute-t-il, on assiste à un déclin prononcé du oui dans la région de Québec. De 2001 à 2015, le pourcentage de oui fermes est passé de 45% à 30%. Ce phénomène peut s'expliquer par trois raisons: l'assurance qu'apporte le statut de capitale pour Québec et la proximité du pouvoir politique, la francisation réussie des immigrants et l'absence de l'anglais dans les milieux de travail.»
La loi fédérale sur la clarté référendaire, le jugement de la Cour suprême canadienne sur la question référendaire et la reconnaissance, par le gouvernement fédéral, de la nation québécoise sont autant de facteurs qui ont pu, à leur façon, diminuer l'intérêt pour le projet indépendantiste. «Une question claire sur la rupture qu'entraînerait l'indépendance, explique le professeur, emporterait moins l'adhésion des citoyens qu'une question relativement complexe, comme celles des référendums de 1980 et de 1995 au Québec.»
Selon Simon Langlois, le Québec a beaucoup changé depuis les années 1960. «À cette époque, rappelle-t-il, il y avait des déficits collectifs à combler. Aujourd'hui, le Québec est une société développée et relativement riche, une société mature et bien outillée. Le mouvement souverainiste se trouve un peu victime de cette réussite.»