Le consommateur a toujours tort. Par son endettement, il est responsable des profits exorbitants des banques. Pourtant, quand celles-ci sont en difficulté, le gouvernement vient à leur rescousse aux frais du contribuable. Coupable! Il consomme en masse des médicaments dont la plupart ne sont que des placebos qui font craquer les coffres des entreprises pharmaceutiques. Coupable! Il consomme trop d'électricité, ce qui explique largement le débordement des profits d'Hydro-Québec. Coupable!
Les profits faramineux des pétrolières sont la conséquence, prétend-on, des excès du consommateur: demande oblige! Rappelons que le premier modèle automobile en série d'Henry Ford roulait à l'électricité à la fin du 19e siècle. Et ce sont les pétrolières qui ont monopolisé les tramways afin de les éliminer pour faire de l'espace à la voiture à essence. Il joue trop à la loto pendant que l'État se joue de lui. Coupable!
Il consomme trop de junk food au bénéfice de l'industrie du fast-food. Coupable! Ne nous moquons pas de l'avenir. Tout est interrelié et, par l'effet des vases communicants, tout finit par s'équilibrer: l'Amérique implosera sous le poids de sa graisse accumulée résultant des profits des «all you can eat»! Paradoxalement, le taux d'obésité est plus élevé chez les pauvres: serait-ce une façon de mieux les asseoir? Le scandale de la malbouffe dans les écoles et les hôpitaux et les institutions en général lève le cœur quand le quart de l'humanité crève de faim. Ici même, au Québec, la pauvreté touche 800 000 personnes et envoie 15 000 enfants à l'hôpital chaque année pendant que les «banques» alimentaires ne suffisent pas à la demande. Coupable !
De fait, il y a deux moyens sûrs pour enserrer le consommateur dans les fers: par l'obésité ou par la faim. Le consommateur de la SAQ, un autre grand gobe-sous du gouvernement, est coupable de transporter son vin dans des sacs en plastique. Le monopole d'État pourrait au moins fournir des sacs en papier recyclable... Le consommateur paie deux fois son eau potable: par ses taxes au robinet et par le coût de l'«eau de source» embouteillée, elle-même souvent puisée de l'aqueduc municipal! Il la paiera une troisième fois avec les redevances à venir.
Le consommateur paie déjà pour de l'air pur. Le jour est arrivé où il peut vendre son corps en morceaux ou se le faire extorquer afin de survivre. Il est déjà possible de lui insérer une puce de crédit sous-cutanée dans son corps.
Bientôt, il paiera pour boire son sang.
Tout ce qui circule à ciel ouvert est taxable.
Pas étonnant que l'économie souterraine prolifère!
ALAIN MASSOT
Professeur associé à la Faculté
des sciences de l'éducation
___________________________________________________________________________
Un monde dans la tourmente
Dans quel monde vivons-nous aujourd’hui? C’est la question que nous sommes en droit de nous poser. Comme nous pouvons le constater, le monde se porte plutôt mal. Il est infecté par le virus tant de fois décrié d’un capitalisme sauvage qui n’a pas su se fixer de limites. En témoigne, ce 11 septembre financier qui menace les grandes économies mondiales. D’abord les États-Unis. Ensuite l’Europe. Bientôt le Canada et, par ricochet, le reste du monde, c'est-à-dire chacun d’entre nous. Ce virus, fort de son pouvoir, a été mis dans la main de quelques individus peu scrupuleux qui trônent au sommet des oligarchies financières qui regardent du haut de leur piédestal le reste du monde soumis à leurs moindres désirs et fantasmes.
Éric Fromm avait raison! Dans son ouvrage intitulé Avoir ou être paru en 1976, il avait prévenu l’humanité des conséquences dramatiques tant psychologiques qu’écologiques qu’engendreraient une culture favorisant l’avoir au détriment de l’être. Nous arrivons à la fin de cette illusion où la production, la consommation et la compétition à outrance ne sont plus les garants d’un plus grand bien-être et d’un plus grand bonheur. Le bonheur que nous cherchons tous tout au long de notre vie ne peut se restreindre à la déclinaison du simple verbe «avoir». La source de l’avoir semble se tarir et vit ses derniers instants. Là où la satisfaction sans restriction de tous les désirs ne contribue plus au bien-être, là où l’humain pensait que le progrès technique lui amènerait la pleine satisfaction de ses besoins, de ses désirs et de ses aspirations, l’écho n’est plus. Bien au contraire, cette fuite dans l’industrialisation, la technologie et aujourd’hui la mondialisation n’a fait qu’engendrer une succession de périls écologiques, humanitaires, sociétaux et individuels. La planète, par les signes qu’elle nous envoie, ne semble plus en mesure de répondre à nos caprices. L’unique voie de l’avoir est devenue un cul-de-sac existentiel. Qu’attendons-nous pour réagir?
Si nous souhaitons éviter une déroute collective vers l’extinction de l’espèce par excès de consommation, il faut éveiller rapidement l’humain qui sommeille en nous. Notre seul espoir: nous-mêmes. C’est dans l’Être que se trouve la solution, dans nos consciences. Nous possédons tous un merveilleux potentiel d’humanité qu'il ne tient qu’à nous d’actualiser. C’est la fin d’un pouvoir remis aux mains de puissants sans conscience. Il est temps que la démocratie retrouve tout son sens. C’est dans l’avènement de l’humain, dans l’homme que se trouve la réponse. L’humanité se doit d’effectuer consciemment le passage de l’hominisation à son humanisation. De se libérer de sa partie animale de consommateur compulsif insatiable pour faire éclore son humanité consciente de ses nombreux rapports avec ce qui l’environne. Par sa conscience, caractéristique de son être, l’humain doit comprendre qu’il est vitalement lié à la nature qui lui permet d’être. Être social, il a besoin d’autrui pour grandir et ensemble ils doivent être solidaires dans la satisfaction de leurs besoins, leurs désirs et de leurs aspirations. Il doit prendre conscience que la survie de son espèce dépend du développement de son autonomie et de sa responsabilité. Et par-dessus tout, il doit pouvoir s’appuyer sur une éthique naturelle capable de l’aider à le guider dans le développement et le bon fonctionnement de son être dans ses rapports avec le monde, la vie et l’humain. C’est par l’accession à une éthique fondée sur sa nature d’être humain qu’il parviendra à rétablir sa trajectoire vers un monde où les humains, en investissant autant sur l’être que sur l’avoir, parviendront peut-être à éviter de sombrer dans la tourmente.
CHRISTOPHE NAVEL
Étudiant au doctorat en psychopédagogie
info@mouvementhumanisation.org