Selon votre récent texte intitulé : Où va le Québec? Les Québécois sont désorientés, démotivés, instables et attirés par des valeurs passagères et superficielles. À la crise des valeurs et la recherche de sens que traverse actuellement le Québec, vous proposez une nouvelle évangélisation en profondeur grâce à un retour à l’héritage religieux de votre Église. Permettez-moi d’être totalement en désaccord avec vos propos comme le sont certains de vos propres collègues.
Premièrement, le Québec n’est plus la théocratie de votre enfance manipulée par le clergé catholique. Les Québécois refusent depuis la Révolution tranquille de suivre aveuglément toute caste religieuse, y compris catholique, qui s’arroge le droit d’imposer une supposée vérité absolue révélée par un dieu quelconque.
Deuxièmement, les Québécois vous considèrent de plus en plus comme un réactionnaire qui les culpabilise sans répit et s’oppose aux décisions de leurs représentants démocratiquement élus même lorsqu’ils votent unanimement un projet de loi comme la déconfessionnalisation de l’école québécoise. En fait, comment expliquez-vous le fait que vous n’avez jamais défendu la liberté religieuse des citoyens alors que votre Église exerçait un monopole injuste, immoral et antidémocratique sur l’école publique? Pire encore, vous accusez aujourd’hui le gouvernement du Québec de violer la liberté religieuse en imposant son nouveau programme d’éthique et de culture religieuse, alors qu’il ne vise qu’à corriger une injustice que les Québécois refusaient de cautionner plus longtemps. Je suis d’accord avec vous et avec d’autres éminents Québécois que la crise des valeurs que traverse actuellement le Québec est un problème profond et urgent. Cette crise se répercute sur tous les secteurs de l’activité humaine tels que la culture, la santé, l’éducation, l’économie et l’environnement. La solution n’est cependant pas dans un retour du religieux qui a perdu toute crédibilité au cours des deux derniers siècles.
Les valeurs, les principes et les normes qui guidaient jadis les comportements individuels et collectifs des Québécois étaient fondés sur le christianisme. Avec la «sortie de la religion», les Québécois perdaient ce socle commun de valeurs qui les unissaient et donnaient un sens et une direction à leur vie personnelle et sociale. Cependant, ceux qui se sont battus pour la laïcisation du Québec ont fait une erreur capitale. Ils n’ont pas élaboré une nouvelle éthique capable de remplacer les différentes morales religieuses fondées sur des dieux imaginaires qui ont soulevé les humains les uns contre les autres tout au long de l’histoire, et qui continuent de le faire encore aujourd’hui.
Actuellement, ce dont les Québécois ont le plus besoin, Mgr Ouellet, c’est d’une nouvelle éthique fondée sur une conception naturelle, complexe et scientifique de l’être humain et ses exigences de développement et de bon fonctionnement dans ses rapports avec la réalité, la vie, lui-même, autrui, la société, l’humanité et l’environnement. Seule une éthique fondée sur la nature humaine, donc universelle et rationnelle, pourra unir tous les Québécois dans un projet commun qui les encouragera à transcender leurs différences, surtout religieuses, et solutionner cette crise de sens qu’ils traversent, et non pas un retour à la dictature cléricale de jadis dont vous vous faites le défenseur.
GASTON MARCOTTE
Professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation
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Ordre du Canada: une inversion de valeurs
Deux nouvelles ont coïncidé à Québec la semaine dernière: la remise de la médaille de l’Ordre du Canada au docteur Henry Morgentaler et le jugement de Serge Dumont-Sergerie par le juge Jean-Pierre Dumais. Vous ne connaissez probablement pas monsieur Dumont-Sergerie: ce dernier a écopé d’une peine de cinq mois en prison pour avoir maltraité un chiot de trois mois. Tout le monde connaît par contre le docteur Henry Morgentaler: ce dernier a été décoré du plus haut titre honorifique du Canada pour avoir promu l’avortement sur demande. La coïncidence de ces deux événements dans la même semaine n’est-elle pas le signe d’une inversion complète de valeurs par rapport à la vie humaine?
PATRICK DUFFLEY
Professeur titulaire à la Faculté des lettres