Une coquille semble s’être glissée dans la transcription de l’entrevue que j’ai donnée à Renée Larochelle (Le temps des avatars) dans le journal Au fil des événements du 14 janvier. Elle prête à un petit contresens qui, bien malencontreusement, pourrait me prêter des intentions douteuses. Qu’il me soit permis de rectifier autant que d’expliquer. On lit ceci dans l’entrevue: «On parle de 5 % de personnes qui joueraient plus de 40 heures par semaine en Amérique du Nord, explique Maxime Coulombe. Quand on pense que bien des gens regardent la télévision 30 heures hebdomadairement, ces statistiques ne sont pas très alarmantes.» Or, j’ai plutôt indiqué: «ces statistiques ne sont pas, en soi, alarmantes ». La distinction, qui pourrait sembler une simple nuance, est pourtant fondamentale. Elle est l’une des prémisses de mon ouvrage et de l’entrevue que j’ai accordée à madame Larochelle. Il ne faut surtout pas banaliser la volonté – à certains égards étrange et étonnante – de certains sujets de passer le plus clair de leur temps libre dans des univers virtuels en ligne; il ne faut pas banaliser, non plus, les risques qu’elle implique. Il importe que nous nous interrogions, comme société, sur le sens de cette fuite du monde réel.
Et pourtant – et tel était le sens de ce si crucial «en soi» –, la dépendance n’est pas une simple question de statistiques, voire d’heures de jeux. Si tel était le cas, on pourrait prétendre que la plupart des Occidentaux sont dépendants de la télévision; on s’inquiéterait de même de l’individu qui, un dimanche après-midi pluvieux ou en vacances, déciderait de jouer de façon intensive. Les statistiques, en soi, ne disent pas tout, voire ne disent pas grand-chose. La dépendance tient au moment où une pratique porte atteinte à la qualité de vie du sujet, au moment où un comportement l’accapare tant qu’il en vient à dissoudre sa vie personnelle et intime, et à menacer sa vie professionnelle. C’est là que loge le véritable critère pour penser l’aspect parfois nocif de la fascination que savent susciter ces univers en ligne. Ce n’est qu’à l’aune d’une telle sociologie compréhensive que peut s’appréhender le pouvoir de séduction de ces univers en ligne.
Merci encore de votre confiance.
MAXIME COULOMBE
Professeur en histoire de l’art et auteur de
l’ouvrage Le monde sans fin des jeux vidéo à paraître en février
aux Presses universitaires de France (PUF)