
En 2015, le ministère des Finances du Québec évaluait à 800 millions$ les pertes enregistrées annuellement par l'État en raison de l'existence de paradis fiscaux.
Le 26 février, au pavillon Alphonse-Desjardins, Ivan Tchotourian, professeur à la Faculté de droit, a participé à une table ronde portant sur ces questions. En entrevue avec Le Fil en marge de l'événement, il a tenu à remettre les pendules à l'heure. «La situation n'est pas aussi catastrophique qu'on le croit. Ce qui donne le caractère catastrophique est les sommes qui sont en jeu. Puisque ce sont de grandes entreprises qui sont souvent pointées du doigt, les montants sont colossaux. Or, quand on regarde le nombre de joueurs concernés, ce n'est pas si important. Je ne dis pas que la situation n'est pas critiquable, mais il faut la regarder dans son ensemble.»
En 2015, le ministère des Finances du Québec évaluait à 800 millions$ les pertes enregistrées annuellement par l'État en raison des paradis fiscaux. Un chiffre qui n'a pas étonné ce spécialiste de la responsabilité sociale des entreprises. «De nombreux cabinets comptables et cabinets d'avocats ont développé des stratégies fiscales visant à minimiser le paiement de l'impôt. Ce phénomène est mis en lumière par les médias depuis quelques années, mais cela fait longtemps qu'il existe.»
Le professeur voit d'un bon œil l'arrivée de la politique Paradis fiscaux: plan d'action pour assurer l'équité fiscale. Mise sur pied par le gouvernement du Québec à la fin de l'année 2017, cette politique ambitieuse comprend une série de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale, l'évitement fiscal, les paradis fiscaux et la planification fiscale agressive. Entre autres, il est prévu qu'une unité spéciale soit créée afin de traquer les contribuables qui ont recours aux paradis fiscaux.
Ivan Tchotourian rappelle que le Québec ne peut faire cavalier seul dans ses stratégies. «Pour lutter de manière efficace contre les paradis fiscaux, le gouvernement doit tenir compte de tout son environnement, c'est-à-dire des autres provinces canadiennes, mais aussi des autres pays. Il est primordial d'avoir des initiatives internationales. Les grands joueurs, comme l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), doivent travailler ensemble pour harmoniser les choses et éviter la concurrence fiscale entre les pays.»
Outre le professeur Tchotourian, le débat de la Chaire publique AELIÉS réunissait Claudia Champagne, professeure à l'École de gestion de l'Université de Sherbrooke, Alain Denault, auteur et philosophe, et Ronald Cameron, membre du conseil d'administration d'ATTAC-Québec. L'animation était assurée par Milène Lokrou, doctorante en relations internationales. Il s'agissait de la 150e conférence présentée par la Chaire depuis vingt ans.
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