
Le projet s’ancre à la fois à l’Université Laval et à l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ENSEA) d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, où son lancement a eu lieu cet été. Il est aussi le fruit d’une collaboration avec d’autres représentants de l’Afrique. Son but? Contribuer à l’avancement des pays de ce continent engagés dans un processus d’émergence.
«Une meilleure gestion de la chose publique et privée représente le plus grand défi de l’Afrique dans l’atteinte de cette émergence, affirme Charles Moumouni. La perception selon laquelle cette gestion se fait de façon cavalière perdure et elle n’est pas totalement fausse. Les palmarès et autres instruments qui l’évaluent attestent d’une faible performance des dirigeants. Les pays de l’espace francophone, surtout, se retrouvent à la queue des classements.»
Parmi eux, la Côte d’Ivoire a toutefois amélioré ses scores de façon constante au cours des sept dernières années. «Son leadership justifie, en partie, le choix d’y implanter le pôle africain de l’IPAGEF, note le professeur Moumouni. De plus, le gouvernement ivoirien accorde une grande priorité à la gouvernance économique et financière dans son plan national de développement. En outre, il faut noter l’excellente collaboration que nous avons obtenue des divers partenaires et instances là-bas, dont l'Université Félix Houphouët-Boigny.» Par ailleurs, les visées de l’IPAGEF concernent tous les pays d’Afrique, précise son cofondateur. Rapidement, l’implantation du projet a donc eu des échos ailleurs sur le continent, notamment au Bénin, au Cameroun et au Burkina Faso. «Cet impact médiatique est bienvenu parce qu’il assure notre force de représentation. Une démarche communicationnelle soutenue joue un rôle essentiel pour nous permettre de répondre à nos objectifs», explique ce spécialiste des médias.
Quels sont ces objectifs? Ils se déclinent en plusieurs volets. D’abord, l’IPAGEF souhaite offrir ici et en Afrique des formations de deuxième et troisième cycles spécialisées en gouvernance économique et financière. «À ce jour, aucun diplôme du genre n’est offert en Afrique. L’Université Laval serait donc l’initiatrice d’une première», fait valoir Charles Moumouni. L’IPAGEF aura également pour but d’accompagner les acteurs africains des divers paliers de gouvernance vers un renforcement des bonnes pratiques en matière de gestion. «Pouvoir accéder à des services d’évaluation, de transmission des règles et d’amélioration afin de mieux gérer les ressources disponibles en fonction des besoins réels, c’est une demande très souvent formulée tant du côté du public que de celui des entreprises et des sociétés civiles africaines», indique le professeur. Enfin, le nouvel institut servira de plateforme de recherche, d’échange et de réflexion intellectuelle en vue de débattre de plusieurs sujets dans ce champ de discipline.
Cela dit, ces démarches s’inscrivent dans un processus de longue haleine, admet le spécialiste. «Certains gestes, comme établir un état des lieux, peuvent être posés dans les deux années à venir. Quant au reste — formations, révision des règles, propositions en vue de changer les pratiques —, il faut viser le long terme. C’est pourquoi l’IPAGEF s’inscrit dans une dynamique de relations durables entre l’Université Laval et ses partenaires.»
La persévérance devra être au rendez-vous pour les artisans du projet, mais le jeu en vaut la chandelle, assure Charles Moumouni. D’une part, il s’agit d’une occasion unique de permettre aux pays africains d’être partie prenante de leur développement économique, social et culturel. D’autre part, les effets de l’Institut auront une incidence concrète sur les populations. «En Afrique, les rapports entre gouvernant et gouvernés se caractérisent par une grande méfiance. Cependant, en misant sur des principes de transparence, nous pouvons recoller cette fracture et augmenter le climat de confiance. En se sens, l’Université Laval peut se positionner en fière ambassadrice et contribuer à une réelle amélioration du contexte de vie des peuples africains.»