9 octobre 2020
Et si la santé passait par les étoiles?
En quoi les missions spatiales peuvent-elles influencer la santé de monsieur et madame Tout-le-Monde? Comment apprivoiser le confinement en s’inspirant de la vie en orbite? Les réponses de l’astronaute David Saint-Jacques.
«Aller dans l'espace, ce n'est pas bon pour la santé! Ça affecte tous les systèmes du corps.» C'est avec cette entrée en matière que David Saint-Jacques a entamé sa conférence sur le thème «La santé et l'espace», donnée le 7 septembre devant un millier d'internautes de partout au Québec. L'astronaute diplômé de la Faculté de médecine en 2005 était l'invité de cette même faculté dans le cadre d'une séance spéciale des Grands rendez-vous en santé.
«C'est pour cette raison qu'il se fait tant de recherche à caractère médical en orbite et auprès des astronautes, a-t-il poursuivi. La santé et l'espace, c'est un mariage naturel.»
En évoquant le petit garçon qu'il était, celui qui a séjourné 204 jours entre décembre 2018 et juin 2019 sur la Station spatiale internationale rappelle que l'espace, parce qu'il fascine, pousse les humains à se dépasser pour trouver des solutions inventives à toutes sortes de problèmes. Cette fascination, c'est une excuse pour se casser la tête, fait-il valoir. «Le premier ordinateur intégré, c'est-à-dire l'ancêtre de tous nos ordinateurs personnels, a été développé pour se rendre sur la Lune», illustre-t-il.
De même, le besoin de répondre aux problèmes de santé qui affligent les astronautes lorsqu'ils sont en mission sert de prétexte pour améliorer ceux qui peuvent toucher monsieur et madame Tout-le-Monde. Perte d'équilibre, diminution des masses osseuse et musculaire, problèmes cardiovasculaires sont au nombre de ces complications.
De manière plus large, puisqu'ils se trouvent à des milliers de kilomètres de la Terre, les astronautes doivent être le plus possible autonomes en matière de diagnostics et de traitements. Une réalité qui s'apparente à celle de la pratique médicale en région éloignée. David Saint-Jacques, qui a été médecin à Puvirnituq, un village du Nunavik, en sait quelque chose. «L'accès aux soins pour tous demeure à ce jour un enjeu majeur du mieux-être des populations», assure-t-il.
Dans ce sens, les pistes explorées par la médecine de l'espace pourraient, par exemple, faciliter l'accès aux tests sanguins à domicile, comme cela se fait déjà pour la prise de glycémie des patients diabétiques. Également, concevoir des vêtements intelligents qui captent les signes vitaux par surveillance automatisée. Sans oublier perfectionner les outils d'aide à la prise de décision médicale par l'intelligence artificielle et les outils de formation continue.
Pandémie et confinement 101
Si les séjours spatiaux amènent leur lot de défis sur le plan de la santé physique, c'est aussi vrai en ce qui en ce qui concerne la santé psychologique. «Aller dans l'espace, c'est une expérience humaine super intense», relate David Saint-Jacques, qui ajoute: «Depuis les débuts de la pandémie, je suis surpris de voir le parallèle émotif entre la vie à bord, où nous sommes un peu confinés, et le confinement que nous connaissons à l'échelle nationale.» Il y a d'abord l'aspect pratique, apprivoiser cette frontière devenue poreuse entre la maison et les tâches liées à la vie professionnelle, qu'il s'agisse d'études à distance ou de télétravail. «C'est pareil quand on est en orbite, fait valoir l'astronaute. Il faut s'aménager un horaire, s'organiser. D'habitude, la vie se charge de donner une structure à nos journées, mais là, il faut le faire par soi-même.»
Sur le plan interpersonnel, lui qui a connu la cohabitation de grande proximité avec ses collègues sur la station spatiale rappelle l'importance de communiquer davantage afin de «ne pas permettre aux conflits de grossir en cachette. À l'inverse, il faut savoir respecter sa bulle et celle des autres. Tout le monde a ce besoin.»
Par ailleurs, le sentiment d'isolement causé par l'éloignement de ceux qu'on aime n'est pas toujours facile à supporter, admet David Saint-Jacques. Sa vision? «Pour mieux passer au travers de ce genre de situation, il s'agit de se rappeler pourquoi on le fait. Dans le cas de la pandémie, c'est pour protéger les plus vulnérables. Se concentrer sur le but de notre mission. Ça peut sauver le moral.»
La Terre et la survie des humains
David Saint-Jacques ne s'en cache pas, l'image de la Terre «cette planète belle et tellement fragile» vue depuis le hublot de son vaisseau lui a procuré des émotions qu'il n'est pas près d'oublier. «Les missions spatiales nous font prendre conscience de la précarité de notre habitat et donc de la nécessité de mieux le protéger. Mais c'est encore plus vrai concernant la fragilité des humains», indique-t-il.
La Terre va s'en sortir, estime l'astronaute, mais ce n'est pas aussi sûr pour l'humanité. C'est donc par cette lorgnette qu'il envisage le défi environnemental. Et il se veut encourageant: «L'espace nous dit que pour des problèmes globaux, comme celui des changements climatiques, on peut trouver des solutions globales. Les missions spatiales sont rendues possibles grâce à la mise en commun des efforts de pays comme le Japon, l'Allemagne, les États-Unis, le Canada et la Russie. C'est la démonstration qu'on peut tous travailler ensemble à prendre soin de la Terre pour assurer la survie de la race humaine.»
La conférence de David Saint-Jacques se tenait dans le cadre de la semaine mondiale de l'espace qui a cours du 4 au 10 octobre. L'événement était aussi en marge de la Semaine Ulaval pour toujours de La Fondation de l'Université Laval-Développement et relations avec les diplômés. La version intégrale de la conférence est disponible sur la page Facebook de la Faculté de médecine.
Comme cela arrive parfois lors de missions spatiales, des soucis techniques sont survenus dans les premières minutes de l'entretien, lesquels ont entraîné une absence de son temporaire. Mais à 7 minutes 52 secondes de l'enregistrement, le problème est rétabli.