Le vendredi 13 décembre, dans une grande salle aux larges fenêtres du pavillon Gene-H.-Kruger, 16 étudiantes et étudiants à la maîtrise en architecture de l'Université Laval ont présenté le fruit de leur travail réalisé durant un exercice de design intensif de trois semaines lancé le 22 novembre. L’objectif de cette exploration d’idées consistait à imaginer sommairement des bâtiments signifiants et attrayants, dans le respect des aspirations et des cultures autochtones. Ces bâtiments devaient offrir des espaces propres à la recherche autochtone du point de vue social, au dialogue interculturel et à la réconciliation entre les peuples autochtones et allochtones. Ces projets préliminaires constituaient le second volet du cours Habitats et cultures, une formation qui s’inscrit dans le partenariat de recherche collaboratif «Habiter le Nord québécois».
Le cours Habitats et cultures est placé sous la responsabilité de Myriam Blais, professeure à l’École d’architecture.
«Les professeurs Pierre Blanchet et Jean-Michel Beaudoin, du Département des sciences du bois et de la forêt, nous ont approchés pour discuter de l’idée d’un pavillon mettant en évidence les cultures autochtones, explique-t-elle, un bâtiment qui serait construit en bois, un matériau que les Autochtones ont utilisé depuis toujours et qu’ils apprécient. L’Association des étudiantes et étudiants autochtones de l’Université Laval (AEEAUL) s’est aussi manifestée pour parler des aspirations de leurs membres.»
Les étudiants inscrits à cet exercice de design ont dû réaliser plusieurs activités préalables. Ils ont lu des textes, visité des expositions, visionné des films. Ils se sont rendus au local de l’AEEAUL. Mais le fait saillant de leur préparation a été un voyage chez les Inuits du Québec, au Nunavik. «Les étudiants ont assimilé plusieurs types d’informations et en ont fait la synthèse, indique Myriam Blais. Certains se sont essayés à voir comment on peut traduire de façon contemporaine des façons de travailler, des artisanats, des techniques de construction.»
Selon elle, plusieurs universités canadiennes se sont déjà dotées d’une Maison des peuples premiers afin de mettre en lumière la contribution et la vie des peuples autochtones du Canada. «Nous aimerons proposer éventuellement une telle idée à la direction de l’Université, souligne-t-elle. L’Université Laval est très proche des communautés autochtones pour la recherche à divers égards. L’École d’architecture, notamment, a des projets avec des partenaires autochtones ces années-ci.»
Des projets exploratoires au fort potentiel
Le projet de Mélanie Boudreau et de Marie-Helen Chouinard se nomme «Un second chez soi sur le campus». «Notre espace autochtone, nous l’avons situé sur le Grand Axe, à côté du pavillon Jean-Charles-Bonenfant, explique Mélina Boudreau. L’emplacement lui donne une grande visibilité au croisé des grands axes piétons du campus. L’utilisation du bois en parement et pour la structure, de même que la connexion visuelle et physique au boisé avoisinant affirment le caractère autochtone de l’ensemble.»
Le projet de Vincent Bergeron et de Camille Eustache s'intitule «À l’unisson». Il propose un pôle d’échanges interdisciplinaires alliant la fierté culturelle autochtone avec l’ensemble de la communauté universitaire. Il se situe à l’intersection de la rue de l’Université et de l’avenue des Sciences-Humaines, au niveau de la maison Marie-Sirois.
«Le projet, soutient Vincent Bergeron, se veut la prolongation de l’aménagement existant sur l’avenue des Sciences-Humaines, qui se limite actuellement du PEPS au pavillon Jean-Charles-Bonenfant. L’emplacement du pavillon est stratégique, car sa proximité du futur tramway et des deux principaux arrêts du Réseau de transport de La Capitale lui offrirait une grande visibilité.»
Ce projet intègre plusieurs aménagements urbains, comme des zones végétalisées, un potager collectif et des chemins. «Le programme du projet comprend plusieurs fonctions, souligne Camille Eustache. Nous voulions faire en sorte qu’autant les Autochtones que les autres étudiants et le personnel de l’Université s’y sentent à leur place pour favoriser la réconciliation et le partage. Nous avons intégré notamment l’AELIES, une bibliothèque et un espace muséal autochtone, l’AEEAUL, un auditorium, des espaces de recherche autochtone collective, une cuisine et des espaces de relaxation et d’étude.»
Le voyage au Nunavik s’est déroulé au mois d’octobre. Là-bas, au fil des échanges, Marie-Helen Chouinard et Mélina Boudreau ont découvert un peuple résilient qui habite le territoire de façon unique. Selon elles, «les Inuits préfèrent de loin les espaces de partage ouverts qui incarnent leur vision d’une communauté unie».
Vincent Bergeron insiste sur l’importance des espaces non définis spatialement dans la conception inuite du lieu habitable. «Pour eux, dit-il, une classe pourrait être un salon et vice-versa. Ils désirent avoir des espaces qu’ils pourront s’approprier de façon différente selon les activités qu’ils exécutent.»
Camille Eustache, elle, mentionne la complexité de la culture inuite et la fierté de ce peuple pour son histoire. Elle relate une rencontre marquante avec trois femmes inuites. «L’une d’elles nous a raconté l’espace qu’elle appréciait le plus. Elle le faisait avec tant de passion que j’imaginais l’espace comme étant grandiose. Après avoir terminé son histoire, elle nous a amenés à l’endroit, une tente où ils aiment partir pour s’évader durant une fin de semaine, autant l’hiver que l’été. La tente était toute petite finalement, mais à l’intérieur, l’espace était magique. Le sapinage au sol coupait le froid et donnait cette bonne odeur à tout l’espace. Le toit, tel un tipi, agrandissait le lieu et la lumière de la lune éclairait légèrement l’espace en passant à travers la toile en canevas.»