
Ce titulaire de la Chaire de recherche sur la pathogenèse de la résistance à l'insuline et des maladies cardiovasculaires a récemment publié l'ouvrage La vérité sur le sucre, un livre qui ne souhaite ni condamner ni absoudre la substance, mais faire le bilan des connaissances scientifiques à son sujet. Le chercheur y tient un discours nuancé destiné à faire contrepoids aux affirmations extrémistes propagées de toutes parts.
«Certains amis m'ont déjà demandé si le fructose était un poison, s'il pouvait être dommageable de manger trop de fruits ou si le jus d'orange était comparable à une boisson gazeuse, témoigne le professeur Marette. Ces interrogations chez des gens pourtant instruits m'ont surpris.» Souhaitant mettre ses connaissances au service de la société, le chercheur s'est donc donné pour mission, avec la coauteure du livre, Geneviève Pilon – qu'il décrit comme son bras droit dans son laboratoire – de moduler et de rectifier certains messages exagérés émis par des pseudo-scientifiques et même par des médecins et autres professionnels de la santé. «Je crois qu'il est nécessaire de briser le fossé entre la recherche universitaire et la population. Il est du devoir des chercheurs de vulgariser les résultats de leurs travaux et de transmettre des faits avérés», confie André Marette.
Dans son livre, on apprend donc que le fructose n'est pas, à la base, nocif. Ce sucre est même essentiel à la reproduction puisque les spermatozoïdes ne pourront terminer leur périple si les réserves de fructose du liquide séminal sont insuffisantes. Par contre, il est vrai qu'il s'agit d'un sucre traité différemment par l'organisme. «Une petite proportion du fructose sera convertie en lipides. Quand celui-ci est consommé en quantité raisonnable, le corps peut très bien gérer les lipides qui en sont issus. Mais en consommant jour après jour des surdoses de fructose, on altère progressivement le contenu en lipides du foie, ce qui conduit à des conséquences néfastes sur la santé», explique le chercheur.
On apprend également qu'un jus de fruits ne met pas en péril la santé. «Juger de la qualité d'un aliment par le seul critère de sa teneur en sucres est dangereusement réducteur, écrit André Marette. Un élément riche en sucres peut être bénéfique pour la santé quand il est consommé de façon modérée s'il contient d'autres éléments nutritifs essentiels ou favorables à la prévention des maladies. C'est le cas des polyphénols, présents dans les jus de fruits. Ces molécules ont la propriété d'agir contre les processus inflammatoires impliqués entre autres dans le développement de l'obésité. Elles sont aussi reconnues pour leur capacité à diminuer la pression artérielle et à contrer le développement du diabète et même l'incidence des maladies cardiovasculaires.»
Ces nuances importantes ne sont que deux exemples parmi une foule de faits analysés dans l'ouvrage. De la fonction biologique du sucre jusqu'aux effets des sucres ajoutés et des édulcorants, les deux auteurs s'appliquent à bien cerner toutes les facettes du sujet. De cette façon, espèrent-ils, la société ne fera pas la même erreur qu'elle a commise à l'endroit du gras. «Il y a une trentaine d'années, rappelle André Marette, une guerre alimentaire contre le gras était déclarée. Depuis, on a découvert que certains gras avaient des effets protecteurs sur la santé. De plus, on a compensé l'affront au goût par l'ajout de grandes quantités de sel et de sucre. A posteriori, on ne peut que poser un regard dépité sur les données qui montrent que l'augmentation des cas d'obésité coïncide précisément avec ce moment.»
En fait, souligne le professeur, il faut faire attention aux raccourcis dans la pensée et ne pas imputer toute la responsabilité de l'obésité au seul sucre. «Gardons en tête que d'autres éléments de notre alimentation, tels que les colorants, émulsifiants et autres additifs que nous consommons dans de nombreux produits alimentaires industriels pourraient bientôt être incriminés. Et c'est sans compter que, en plus de la sédentarité, d'autres aspects de la vie moderne, comme la pollution, le manque de sommeil ou la prescription inappropriée d'antibiotiques, sont aussi pointés du doigt. La santé est un combat qu'on doit mener sur plusieurs fronts.»
Malgré cette plaidoirie pour faire voir que le sucre est le bouc-émissaire d'un mode de vie malsain, il ne faut pas croire pour autant que la consommation qu'on en fait quotidiennement est jugée inoffensive par André Marette. Au contraire, le chercheur met particulièrement en garde la population contre le sucre ajouté dans les boissons sucrées. «Ces breuvages sont certainement les premières cibles à écarter systématiquement de votre diète. Le sucre ajouté qu'on y trouve est le plus sournois d'entre tous parce qu'on en mésestime la quantité.» Le professeur souhaite avant tout convaincre les gens de réduire leur apport en sucres et de remplacer l'usage de sucre raffiné par des sucres naturels qui offrent certains avantages sur le plan de la santé, comme le miel et le sirop d'érable. Surtout, insiste-t-il, il ne faut pas couper le sucre au profit des édulcorants artificiels, qui ne remplissent pas leurs promesses.
Alors, pendant la période des Fêtes, pouvons-nous faire certains écarts dans notre régime alimentaire? André Marette indique qu'aucune étude n'a creusé les effets d'une orgie de sucre pendant une période de deux semaines chez l'être humain. Par contre, il semble logique de penser que, même à court terme, l'excès de sucre est à proscrire. Cela signifie-t-il qu'on ne peut savourer du sucre à la crème lors des festivités? Absolument pas. Il faut juste en manger avec modération. Prenez donc sans culpabilité un morceau de bûche au réveillon et une coupe de champagne au Nouvel An. «Mais surtout, recommande fortement André Marette, profitez du congé des Fêtes pour bouger et faire des activités extérieures.»