Après les désastres financiers connus par l’UQAM, la ministre Courchesne s’est sentie obligée d’intervenir directement afin d’éviter que de telles situations se reproduisent. En effet, les dettes accumulées par les universités, que ce soit par laxisme ou pour toute autre raison, sont ultimement la responsabilité de l’État. Si la ministre se devait d’intervenir, elle devait le faire avec la précision du bistouri plutôt que celui de la tronçonneuse. Or, force est de constater qu’elle a préféré ce dernier instrument.
La gouvernance des universités provient d’un héritage datant du Moyen Âge: des lettrés se regroupant pour offrir un enseignement dans des institutions dont eux seuls ont la gestion. Cette façon de faire a fait ses preuves pendant des siècles, offrant aux lettrés et à leurs pupilles une indépendance d’esprit. Jusqu’à peu, les universitaires étaient responsables de leurs finances, mais avec la venue d’un État interventionniste, le financement universitaire est désormais chose de l’État. Pourtant, les professeurs s’élisent toujours entre eux, se nomment entre eux et s’administrent entre eux, sans avoir de comptes à rendre à personne, et ce, au nom de la sacro-sainte indépendance intellectuelle!
Si on ne peut être contre l’indépendance intellectuelle qui a fait la force de nos universités, on doit cependant remettre en question le dogme selon lequel les universités doivent être contrôlées de haut en bas par des universitaires. En effet, en quoi un doctorat en chimie, en histoire ou en philosophie rend compétent un professeur devenu vice-recteur lorsqu’il s’agit d’administrer des ressources humaines, financières ou matérielles?
Le recteur de l’Université Laval, monsieur Denis Brière, a d’ailleurs pavé la voie et brisé les tabous lorsqu’il a nommé à titre de vice-rectrice aux finances une personne compétente ne provenant pas du milieu universitaire. Cet exemple devrait être suivi par d’autres universités et le projet de loi devrait s’en inspirer en faisant une distinction entre le scolaire et l’administratif.
Plutôt que de modifier les conseils d’administration, la ministre devrait plutôt imposer une structure de reddition de compte dans tout domaine qui ne concerne pas strictement le milieu universitaire. Le mandat du Vérificateur général du Québec pourrait être élargi aux universités. Des représentants provenant du gouvernement, du milieu des affaires, des syndicats et de la société civile devraient siéger aux conseils d’administration, tout en permettant aux institutions de préserver une indépendance intellectuelle afin qu’elles conservent leur nature.
Le projet de loi prévoit plutôt que la structure des conseils d’administration soit composée aux deux tiers par des membres ne provenant pas des milieux universitaires, privatisant en quelque sorte nos universités ou, au mieux, les plaçant sous une tutelle permanente. Or, le véritable problème se situe plus sur le plan de la structure administrative.
Le projet de loi élude aussi la question du financement des universités. Si, d’une part, les universités ont failli à leurs responsabilités, l’État a lui-même failli en n’octroyant pas un juste financement à nos universités qui en sont rendues à se cannibaliser afin d’attirer une nouvelle clientèle. Ce problème de sous-financement se fait d’autant plus ressentir que les courbes démographiques nous rattrapent.
S’ajoutent à tout cela les effets de la crise actuelle sur les fonds de retraite. Les universités, comme les municipalités et les entreprises, devront financer les déficits importants dus à la crise en raison d’une réglementation ne tenant pas compte de situations exceptionnelles. À titre d’exemple, le déficit prévisible pour le seul fonds de retraite des employés de soutien de l’Université Laval est de près de 80 millions de dollars, dont 60 millions attribuables à la crise.
Les effets de la crise sur les régimes de pension auront des effets directs sur la capacité financière des entreprises, publiques ou privées, et se feront ultimement ressentir sur la qualité des services à court terme. Le gouvernement se doit d’intervenir pour éviter que les contraintes supplémentaires dues à la crise aient des effets néfastes tant pour la qualité des services que pour l’économie en général.
Le projet de loi résulte certes de bonnes intentions, mais tombe bien à plat en cette veille électorale. Le gouvernement doit proposer non pas un projet de loi sur la gouvernance des universités, mais un livre vert sur l’enseignement postsecondaire afin que nos institutions puissent s’ajuster aux défis de l’avenir, que les formules de financement soient revues, que les structures pédagogiques et administratives soient performantes, que la démographie soit un facteur décisionnel dans les choix de développement, et ce, pour que le Québec soit des mieux positionnés dans une économie qui se veut celle du savoir.
L’EXÉCUTIF DU SYNDICAT DES EMPLOYÉS ET EMPLOYÉES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL (SEUL)