L'année qui se termine a été foisonnante chez les écrivains provenant de la communauté universitaire. Voici un aperçu de romans, d'essais et de recueils de poésie publiés par des enseignants, des étudiants ou des diplômés dans différents domaines.
La libellule (Hurtubise), par Claudia Turgeon
Chargée d'enseignement à la Faculté de médecine et mère de trois enfants, Claudia Turgeon consacre son premier roman au deuil périnatal, un sujet qui lui est cher. L'histoire est celle d'un couple qui décide d'agrandir sa famille avec un troisième enfant. À la 21e semaine de grossesse, le cœur du bébé cesse de battre, plongeant les parents dans un tourbillon d'émotions.
À travers cette histoire, Claudia Turgeon raconte les étapes du deuil périnatal et l'ampleur du chagrin qui traverse ceux qui vivent ce drame, sans oublier les maladresses de l'entourage, qui ne sait pas toujours comment réagir dans de telles situations.
Malgré la gravité du sujet, l'histoire n'est pas dénuée de légèreté et de scènes remplies de beauté. D'ailleurs, plusieurs parents se reconnaîtront ou reconnaîtront leurs enfants dans les moments du quotidien qui sont racontés. En plus d'être un récit sur le deuil et la résilience, La libellule est un hommage senti et vibrant à cette grande et fragile aventure qu'est la parentalité.
Minou (Hamac), par Maude-Éloïse Brault
Voici une autre primoromancière à découvrir. Étudiante à la maîtrise en sociologie, Maude-Éloïse Brault nous transporte dans le quotidien d'une femme, Minou, autour de laquelle gravitent d'autres personnages ayant tous un nom félin ou à connotation animale (Chaton, Kitty, Minette, Matoue et Mon Lapin). Sans filtre ni pudeur, cette protagoniste raconte les affres de sa jeunesse dans un décor urbain un peu triste.
D'abord écrite sous forme de monologue présentée au Mois de la poésie en 2019, Minou est une œuvre qui oscille entre la poésie et le roman. L'auteure a pris un plaisir évident à jouer avec le rythme des phrases et la musicalité des mots. Avec un style rafraîchissant, elle aborde des thèmes comme l'urbanité, l'amour, le désir, le consentement, l'amitié et la solitude.
Si Minou est son premier livre, Maude-Éloïse Brault n'est pas une néophyte dans le monde de l'écriture. Elle a publié dans plusieurs collectifs, dont L'Écrit primal, la revue littéraire du Cercle d'écriture de l'Université Laval, en plus d'avoir produit des performances théâtrales et collaboré à des projets d'arts visuels.
Tout chagrin est un théâtre d'ombres (Hamac), par Sylvie Nicolas
L'apport de Sylvie Nicolas au milieu de la littérature est considérable. Chargée de cours en création littéraire et directrice littéraire des éditions Hannenorak, elle a publié recueils de poésie, romans, essais, nouvelles et livres jeunesse, en plus de porter le chapeau de traductrice.
Sa dernière œuvre, qui prend la forme d'un récit poétique, porte sur le thème de la disparition. Au fil des chapitres, différentes narratrices témoignent de la vulnérabilité et de l'impuissance qu'elles ressentent face à l'absence ou au départ d'un être cher. On y rencontre notamment une fille qui accompagne sa mère sur son lit de mort à l'hôpital et les Mères de la place de Mai, cette association de mères argentines dont les enfants ont été assassinés par les militaires. La détresse, la perte de repères, la solitude, le chagrin et l'absence de consolation sont explorés à travers une poésie sensible et empreinte de lyrisme.
Le désir du réel dans la philosophie québécoise (Nota Bene), par Pierre-Alexandre Fradet
Voilà un essai qui va en intéresser plusieurs à la pratique philosophique. Pierre-Alexandre Fradet braque les projecteurs sur son ancien professeur et directeur de thèse, Thomas De Koninck, et quatre autres philosophes de renom, Charles De Koninck, Jacques Lavigne, Charles Taylor et Jean Grondin. En présentant tour à tour leurs réflexions, il démontre que la philosophie n'est pas une discipline aride réservée à un public restreint.
Le thème du livre, le réel, est exploré sous différents angles. Comment spéculer sur le cosmos? Comment l'être humain peut-il palper ce qui le transcende? Comment s'éveiller à l'absolu par l'inquiétude? Comment trouver un équilibre entre l'historicisme et l'universalisme? Comment pressentons-nous les choses? Ces questions guident les 250 pages du livre et témoignent de la profondeur de la pensée des philosophes étudiés.
Pierre-Alexandre Fradet compte plusieurs livres sur la philosophie à son actif, dont Une vie sans bon sens. Regard philosophique sur Pierre Perreault, en plus de collaborer avec diverses revues. Lauréat de l'un des Grands prix du journalisme indépendant, il enseigne au Cégep de Saint-Laurent.
Une sorte de renaissance (Triptyque), par Anaël Turcotte
C'est tout un ovni littéraire que propose Anaël Turcotte avec son premier livre. Quelque part entre roman de détection, fable politico-philosophique et récit postapocalyptique d'anticipation, Une sorte de renaissance est avant tout une œuvre débordant d'imagination et de fantaisie.
L'histoire se déroule en 2153, après la Grande Explosive, un conflit planétaire lié à l'indépendance du Québec. Un «mouticide», le meurtre d'un mouton, vient troubler la quiétude du village de Monojoly. Jeune étudiante dégourdie et rebelle, Ludmilla décide de mener sa propre enquête. Autour d'elle gravitent plusieurs personnages aussi attachants que colorés, dont un détective confus et un professeur d'histoire incompétent.
Anaël Turcotte est titulaire d'une maîtrise en études littéraires. Il participe depuis plus de 10 ans aux arts littéraires, que ce soit comme écrivain, performeur ou musicien. Il a cofondé le Collectif RAMEN, en plus de s'impliquer dans diverses activités avec le collectif Exond&.
27 faits curieux sur la mort d'hier à aujourd'hui (Les heures bleues), par Catherine Ferland
L'historienne Catherine Ferland, on le devine, est une auteure qui aime explorer différents horizons. Après un ouvrage sur l'entreprise des Biscuits Leclerc et un autre sur ces femmes qui ont marqué le Québec, voilà qu'elle aborde un tout autre sujet: la mort. Ce nouvel ouvrage, comme son titre l'indique, compile 27 faits surprenants sur les rituels funéraires.
On y apprend notamment que certains cercueils des 18e et 19e siècles étaient munis de clochettes pour les cas de personnes ensevelies vivantes, que les plus anciennes offrandes funéraires datent de 100 000 ans, que la guerre de Sécession américaine a contribué à l'essor de la thanatopraxie, ou encore que l'usage de l'encens dans les cérémonies religieuses visait à camoufler les mauvaises odeurs à l'époque où de nombreux morts étaient inhumés dans les églises.
L'auteure, qui est titulaire d'un doctorat en histoire, a effectué un travail de synthèse considérable pour démystifier différents rites à travers les époques et les cultures. Le Québec n'est pas en reste dans sa recherche. L'ouvrage, abondamment illustré, comprend de nombreux clins d'œil à l'histoire et aux rituels d'ici. Comme quoi la mort, bien qu'elle soit taboue dans nos sociétés modernes, est un sujet riche et fascinant.
Les deuils transparents (Triptyque), par Virginie Savard
Avec ce recueil de poèmes, Virginie Savard nous invite à ouvrir les yeux sur ces petites et grandes morts qui font partie de notre quotidien, mais qui passent bien souvent inaperçues. Que ce soit les plantes oubliées sur un balcon au premier gel, les poissons qui meurent dans le fleuve, les étoiles qui s'éteignent ou les souvenirs d'enfance qui s'évaporent, elle rend hommage à toutes ces choses fragiles et parfois intangibles qui méritent qu'on s'y attarde.
Les deuils transparents est une œuvre remplie de tendresse et de sensibilité qui rappelle que la poésie est partout dans nos vies.
Virginie Savard est titulaire d'une maîtrise en études littéraires. Il s'agit de son second recueil après Formes subtiles de la fuite, paru en 2020. Elle a aussi publié plusieurs poèmes dans des revues.
La prière de l'épinette noire (Boréal), par Serge Bouchard
Chaque semaine, pendant plus de 10 ans, Serge Bouchard partageait ses réflexions sur mille et un sujets au micro de C'est fou…, qu'il coanimait avec Jean-Philippe Pleau sur les ondes d'ICI Première. Le regretté anthropologue, décédé en 2021, a marqué les esprits avec ses opinions à la fois justes et pertinentes.
Après L'Allume-cigarette de la Chrysler noire et Un café avec Marie, publiés respectivement en 2019 et en 2021, les éditions Boréal proposent un nouvel ouvrage qui réunit une soixantaine de textes qu'il avait écrits pour les besoins de l'émission. Il est question aussi bien de vieillissement que des communautés autochtones, de la pandémie, des beautés de la nature, des joies de l'enfance, des médias sociaux, du racisme, du patriarcat, de l'éducation ou encore de la laideur de l'autoroute 20. Du pur Serge Bouchard. Peu importe le sujet, on reconnaît sa capacité à s'insurger contre les travers de notre époque, sa sensibilité, son humanisme, sa mélancolie et sa grande poésie.
Dans une préface intitulée «Le respect du microphone», Jean-Philippe Pleau revient sur sa collaboration de longue date avec l'anthropologue, comparant ses talents de communicateur à ceux de Pierre Perrault, dont il a découvert l'œuvre radiophonique dans les archives de l'Université Laval.
Serge Bouchard, pour rappel, a obtenu en 1973 une maîtrise en anthropologie avec mémoire portant sur le savoir des chasseurs innus du Labrador. Il s'est aussi intéressé à la vie des camionneurs du Nord, son sujet de doctorat à l'Université McGill. En 2011, la Faculté des sciences sociales a souligné sa contribution à l'avancement de la société avec la Médaille Georges-Henri-Lévesque.
Le désir en mémoire (Presses de l'Université Laval), par Michel Dorais
D'où vient le désir? Pourquoi ressentons-nous de l'attirance pour une personne plus que pour une autre? Pourquoi certains répètent-ils les mêmes erreurs en amour? Ces questions et bien d'autres sont explorées par Michel Dorais, sociologue et professeur associé à l'École de travail social et de criminologie, dans Le désir en mémoire.
Cet essai, un succès de librairie paru précédemment chez VLB éditeur et TYPO, est réédité dans une nouvelle version aux Presses de l'Université Laval. Dans une langue claire et accessible à tous, le sociologue démystifie les mécanismes de la passion humaine. Citant psychanalystes, psychologues, neurobiologistes, sexologues et autres experts, il explique de quelles façons le passé des gens influence leurs désirs, le tout appuyé par de nombreux exemples et études de cas.
Michel Dorais est un pionnier dans l'étude des enjeux entourant la sexualité. En 40 ans, il a mené diverses recherches et publié plus d'une trentaine d'ouvrages qui sont devenus des références, en plus de participer à différents colloques et comités.
En plein cœur de Saturne (Hurtubise), par Marie-Christine Chartier
Élise et Félix forment un couple pour le moins dépareillé. Elle, terriblement anxieuse et insécure. Lui, impulsif et décontracté. En plein cœur de Saturne est leur histoire, celle de leurs différences et de la pause qu'ils traversent dans leur relation. Tour à tour, ces deux personnages partagent leurs réflexions sur l'amour et les raisons qui font que leur couple se fissure.
Outre le sujet inépuisable de la rupture amoureuse, En plein cœur de Saturne aborde des thèmes qui toucheront plusieurs lecteurs, comme les troubles anxieux, la santé mentale en temps de pandémie, la capacité à surmonter ses peurs, l'épanouissement professionnel et la représentation de soi sur les réseaux sociaux.
Marie-Christine Chartier est détentrice d'une maîtrise en psychopédagogie. C'est pour se changer les idées durant la rédaction de son mémoire qu'elle s'est lancée dans l'écriture de fictions. Son premier roman, L'allégorie des truites arc-en-ciel, s'est vendu à plus de 6000 exemplaires. Elle a publié trois autres livres qui sont aussi devenus des succès de librairie, dont Le sommeil des loutres, autour duquel un projet de série télé est en cours.