Les séances d'intervalles à haute intensité, pratiquées par les athlètes et les sportifs compétitifs, ont fait leurs preuves pour l'amélioration de la condition physique et de la performance. À fortes doses toutefois, cette forme d'entraînement pourrait avoir des effets néfastes sur le cœur. C'est ce que rapportent des chercheurs de la Faculté de médecine et du Centre de recherche de l'Institut universitaire en cardiologie et en pneumologie de Québec dans l’American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology.
L'équipe dirigée par le professeur Patrice Brassard en a fait la démonstration chez un groupe de 17 sportifs, âgés en moyenne de 27 ans, qui consacraient environ 8 heures par semaine à une discipline d'endurance telle que le vélo, le vélo de montagne, le triathlon ou le ski de fond. Les chercheurs ont demandé aux participants d'adapter leur programme d'entraînement de façon à y inclure 3 séances d'entraînement par intervalles à haute intensité par semaine. Jusque-là, ces sujets faisaient en moyenne de 0,5 séance de ce type par semaine.
Les sujets ont été divisés en deux groupes. Les 8 sujets du premier groupe devaient faire des intervalles de 1 à 7 minutes, à 85 % de leur capacité aérobique maximale. Les 9 sujets de l’autre groupe devaient faire des intervalles de 30 à 60 secondes, à 115 % de leur capacité aérobique maximale. Chaque répétition était suivie d’une période de récupération. «On demandait aux participants d'exécuter ces intervalles sur vélo stationnaire jusqu'à épuisement. Le nombre de répétitions dépendait des capacités de chacun», précise le professeur Brassard.
Comme prévu, les deux types d’entraînement ont induit une augmentation de la capacité aérobique maximale (5 %) et de la puissance maximale (4 %) des participants. Ils ont aussi entraîné une diminution du rythme cardiaque au repos – de 55 à 51– ainsi qu’une baisse de la pression sanguine systolique et de la pression artérielle moyenne sur 24 heures. «Les intervalles à haute intensité ont donc des effets très positifs sur l’hémodynamique des sujets», résume le chercheur.
Par ailleurs, des examens réalisés par imagerie médicale ont révélé que les deux programmes avaient causé un remodelage du coeur des participants. D’une part, le volume de l’oreillette gauche s’est accru de 8 % chez les sujets des deux groupes. D’autre part, la fonction ventriculaire droite – la capacité du coeur de se contracter et se décontracter dans plusieurs dimensions - a diminué de 15 % chez les sujets qui faisaient des intervalles à 85 % de la capacité aérobique maximale. Ces changements pourraient conduire à des troubles du rythme cardiaque, souligne le professeur Brassard.
Le chercheur admet que le régime d’entraînement imposé aux participants était particulièrement exigeant, bien que certains programmes destinés aux athlètes d’élite s’y apparentent. «Nous voulions forcer la dose pour voir comment l’organisme réagissait. Nous voulons maintenant déterminer si les changements que nous avons observés sont un passage obligé et transitoire vers l’amélioration ou s’il s’agit d’une mésadaptation durable qui peut être néfaste aux mécanismes électrophysiologiques du coeur.»
Cette étude porte à penser qu’il existe une dose limite d’entraînement par intervalles à haute intensité au-delà de laquelle cette forme d'exercice a des effets toxiques sur le corps. «Il ne faut pas prescrire ces intervalles n’importe comment et à n’importe qui, rappelle Patrice Brassard. J’encourage les gens qui veulent faire des intervalles en supramaximal à consulter un kinésiologue avant de se lancer.»
Les auteurs de l’étude parue dans l’American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology sont Haïfa Mahjoub, Olivier Le Blanc, Myriam Paquette, Sarah Imhoff, Lawrence Labrecque, Audrey Drapeau, Paul Poirier, Élisabeth Bédard, Philippe Pibarot et Patrice Brassard.