Laurence Guillaumie et Julie Champagne, de la Faculté des sciences infirmières, et Olivier Boiral, du Département de management, arrivent à cette conclusion après avoir passé en revue 32 études réalisées entre 1980 et 2014 sur les effets d'interventions de pleine conscience destinées aux infirmières ou aux étudiantes en sciences infirmières. Rappelons que la pleine conscience est un état qui désigne la conscience vigilante de ses propres pensées, actions et motivations. Elle consiste à ramener l'attention sur l'instant présent et à prendre conscience de ses pensées sans chercher à les juger. La pleine conscience est une composante importante du bouddhisme et elle est devenue, dans les pays occidentaux, une forme de méditation ou de thérapie pour réduire le stress et améliorer le bien-être. «La pleine conscience vise à calmer l'esprit, à aller au fond de soi pour découvrir qui nous sommes vraiment et ce qui est important pour nous. C'est un état de présence à notre être véritable le plus profond, le plus authentique et le plus sincère», ajoute Laurence Guillaumie.
Les conclusions de la majorité des études recensées par les trois chercheurs pointent dans la même direction: les niveaux d'anxiété et de dépression des infirmières diminuent après les interventions de pleine conscience. «Peu d'études ont examiné si ces effets se maintenaient dans le temps, souligne toutefois la professeure Guillaumie, mais celles qui l'ont fait rapportent des effets durables sur l'anxiété.» Fait encourageant, des résultats positifs ont été observés chez les infirmières même lors d'interventions aussi courtes que 4 semaines.
Par ailleurs, la professeure Guillaumie estime qu'il serait pertinent d'évaluer les retombées de la méditation pleine conscience sur des éléments concrets de la pratique professionnelle des infirmières. Les études qualitatives recensées par son équipe apportent déjà des éléments de réponse à cet effet. Après des interventions de pleine conscience, les infirmières se sentaient plus détendues, plus enthousiastes et plus à l'écoute de leurs patients. Elles jugeaient avoir l'esprit plus clair pour analyser des problèmes cliniques complexes et y trouver des solutions. Enfin, elles estimaient mieux communiquer avec leurs collègues et leurs patients et mieux gérer leurs émotions lors de situations stressantes.
Comme les données probantes suggèrent que la méditation pleine conscience favorise une meilleure santé psychologique chez les infirmières, il y aurait lieu de considérer cette approche dans les programmes de santé au travail, estime Laurence Guillaumie. La chercheuse prévient toutefois que la méditation pleine conscience ne peut en aucun cas se substituer à la résolution à la source des causes du stress professionnel. «Une bonne partie du stress ressenti par les infirmières dépend de l'organisation du travail, de la charge de travail, des horaires variables, du manque de reconnaissance et de relations interpersonnelles tendues. Pour favoriser la santé psychologique et le bien-être des infirmières, il faut combiner des programmes visant à améliorer les composantes de l'environnement et de l'organisation du travail qui causent le stress et des programmes individuels qui aident les infirmières à faire face aux facteurs de stress.»