
Marie-Ève Lang, créatrice du concept d'agentivité sexuelle.
— Marc Robitaille
«Alors que le discours actuel sur l’hypersexualisation des adolescentes et des jeunes femmes les présente comme de potentielles victimes du désir masculin, l’agentivité sexuelle renvoie à la capacité de prendre en charge son propre corps et sa sexualité, dit Marie-Ève Lang. Ce concept émergent en sciences sociales se réfère également à la capacité d’agir de façon compétente, raisonnée, consciencieuse et réfléchie, de même qu’à l’idée d’action et de responsabilité non plus renvoyée vers autrui mais vers soi-même. En somme, on se sent et on se sait responsable de nos actes.»
Le véritable pouvoir
Dans cette idée que leur corps leur appartient, qu’elles sont libres de s’exprimer sexuellement, des femmes vont participer à des émissions pornographiques, se dénuder, etc. Est-ce là un comportement «agentique»? À l’instar de certains auteurs qui se sont penchés sur la question, Marie-Ève Lang croit que le fait de tirer du plaisir à se présenter comme des objets sexuels ne concorde pas avec la définition de l’agentivité sexuelle. Au contraire, en mettant l’accent sur l’apparence physique et la désirabilité, ces jeunes femmes joueraient plutôt le jeu du marketing commercial et du patriarcat.
Le véritable pouvoir dont on parle en matière d’agentivité sexuelle est plutôt construit sur la base de choix faits à l’intérieur d’une sexualité vécue de façon «authentique». C’est-à-dire que la femme ou la fille agit selon des désirs qui sont les siens, et non selon ceux qui sont dictés par un système patriarcal et la pression sociale, explique Marie-Ève Lang. Parce qu’elle donne du pouvoir aux filles en les posant comme des êtres pleinement responsables de leurs actes, l’agentivité sexuelle s’inscrit dans la lignée des luttes féministes des années 1970.
La chercheuse préconise par ailleurs le retour des cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Les enseignants réguliers étant parfois mal à l’aise de parler de ce sujet avec leurs élèves, on pourrait faire appel à des spécialistes qui aborderaient des sujets comme le désir des filles, la masturbation, le vaginisme, ce qu’est le véritable consentement en matière de relations sexuelles, etc. Le concept d’agentivité sexuelle pourrait bien faire avancer le débat sur la sexualité des jeunes, tous sexes confondus.