
Pendant l'enfance et l'adolescence, quelques mois peuvent faire une différence considérable dans le développement physique et psychologique des jeunes. Les plus âgés d'une cohorte accèdent davantage aux niveaux supérieurs de compétition, ils poursuivent plus longtemps leur cheminement dans le hockey mineur et, à long terme, ils auraient plus de chances d'entraîner une équipe.
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Le mois où vous avez vu le jour pourrait influencer vos chances d'entraîner une équipe de hockey mineur au Québec. Voilà l'étonnante conclusion que présente une équipe de recherche canadienne dans un article publié par la revue Frontiers in Sports and Active Living.
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont d'abord compilé les dates de naissance de 3380 personnes qui dirigeaient une équipe de hockey mineur au Québec en 2023-2024. Ils ont ensuite examiné comment ces dates se répartissaient entre le premier et le second semestre.
«En théorie, si la date de naissance n'avait pas d'effet, on devrait retrouver à peu près le même nombre d'entraîneurs dans la première et dans la deuxième moitié de l'année», avance l'un des auteurs de l'étude, Simon Grondin, professeur à l'École de psychologie de l'Université Laval.
Les résultats ne vont pas dans ce sens. «Chez les entraîneurs qui ont vu le jour après 1980, 54% sont nés entre janvier et juin, et 46% sont nés entre juillet et décembre», précise le professeur Grondin.
Cet effet de semestre de naissance a déjà été rapporté dans des études antérieures, dont certaines menées par le professeur Grondin, qui portaient sur les jeunes évoluant dans le hockey mineur. Les jeunes les plus âgés de leur cohorte, donc ceux qui sont nés plus tôt dans l'année, profitent de nombreux avantages.
«Pendant l'enfance et l'adolescence, un écart de quelques mois peut faire une différence considérable sur les plans du développement physique et psychologique, de l'expérience de jeu et de la maturité, rappelle le professeur Grondin. Les joueurs plus âgés accèdent davantage aux niveaux supérieurs de compétition et ils poursuivent plus longtemps leur cheminement dans le hockey mineur. Cet avantage a même été documenté dans le junior majeur canadien. Des études ont montré que 70% des joueurs de ce niveau étaient nés en première moitié d'année. Le même effet est présent au soccer.»
Le chercheur avoue avoir été surpris de constater la persistance de cet effet d'âge chez le personnel d’entraînement. «Il est possible que les joueurs avantagés par leur date de naissance cheminent plus longtemps dans le hockey mineur et qu'ils développent une expertise et un attachement pour le sport. Cela pourrait expliquer pourquoi ils sont plus nombreux à devenir entraîneurs par la suite», propose-t-il.
«La surreprésentation des entraîneurs nés en première moitié d'année n'est pas, en soi, un problème qui devrait soulever les passions, reconnaît le professeur Grondin. Par contre, c'est révélateur d'un système injuste pour les enfants. Les plus jeunes d'une cohorte ont moins de chance de développer leur plein potentiel dans leur sport.»
— Simon Grondin
Il existe une solution simple qui pourrait aider à corriger cette injustice, avance Simon Grondin. «Présentement, les jeunes sont regroupés dans des catégories qui couvrent 24 mois. En ramenant cette période à 21 mois, les joueurs seraient parfois parmi les plus jeunes, parfois parmi les plus vieux et parfois dans la moyenne d'âge de leur catégorie pendant leur cheminement dans le hockey mineur. Ce n'est pas une solution parfaite, mais elle permettrait d'atténuer partiellement le biais structurel en faveur des joueurs nés en début d'année.»
Les autres auteurs de l'étude parue dans Frontiers in Sports and Active Living sont Daniel Fortin-Guichard, de l'Université McGill, Jean Lemoyne et François Trudeau, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, et Joe Baker de l'Université de Toronto.