Près de 75 personnes, dont une quinzaine de membres de la communauté étudiante, ont participé à la consultation citoyenne de Radio-Canada sur le niveau de confiance à l’égard des médias. L'événement, tenu au pavillon Alphonse-Desjardins, a été animé par Claude Bernatchez, ancien animateur de l'émission Première heure et chargé de cours à l'Université Laval. Il était accompagné des journalistes de Radio-Canada Québec Alexane Drolet, Alex Boissonneault, Pascale Lacombe et Félix Morrissette-Beaulieu.
L'objectif de la consultation était d'entendre ce que le public, jeune et moins jeune, avait à dire sur l'effritement de la confiance. En 2024, seulement 34% des Canadiennes et Canadiens francophones disaient faire confiance aux médias, soit une baisse de 15% par rapport à 2016, selon les données du Centre d'études sur les médias dirigé par Colette Brin, professeure à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université Laval.
Un court sondage en ligne réalisé au début de l'événement a permis de prendre le pouls du public quant à sa façon de s'informer. Neuf personnes participantes sur dix ont indiqué consulter les médias tous les jours et les trois-quarts ont dit avoir un niveau de confiance à leur égard supérieur ou égal à 7 sur 10. «Je trouve ça intéressant parce qu'on avait des gens pour qui l'information, l'actualité, est importante. Et ils avaient des critiques légitimes à faire à l'endroit des médias et c'était important de les entendre», a souligné Claude Bernatchez après les échanges.
Selon lui, même si l'exercice ne donne pas un portrait complet de la situation, il a donné l'occasion à la population de s'exprimer, d'échanger. «Ça nous a permis de nous ouvrir, de sortir de nos bulles, parce que je n'ai pas l'impression qu'il y a beaucoup de place pour le faire», ajoute-t-il.
Plusieurs préoccupations et attentes
Plusieurs thèmes ont été abordés durant la consultation et le public est intervenu en continu.
Les personnes participantes ont, par exemple, interrogé les journalistes présents sur l'influence que peuvent avoir les gouvernements dans le traitement journalistique, notamment durant la pandémie, ou sur les potentiels biais liés à la couverture de l’actualité internationale. La nature du modèle d'affaires des médias, privés ou publics, son effet sur le travail des journalistes et sur le niveau de confiance du public est également un élément évoqué.
La responsabilité de présenter les «deux côtés de la médaille» a été soulevée à plusieurs reprises. Ce point a mis en lumière le défi de couvrir des sujets polarisants, notamment dans la sélection des intervenants et la place qui leur est accordée. Certaines personnes ont souligné l'importance de diversifier leurs sources d'information pour se faire une opinion.
Des gens ont rapporté une couverture «en surface» des nouvelles, qui semble parfois découler de la vitesse de production ou d'un manque de ressources, ou encore le traitement sensationnaliste de certaines informations. Les journalistes sur scène ont pour leur part parlé de la compétitivité sur les différentes plateformes et du défi d’avoir des contenus accrocheurs, tout en étant rigoureux et justes.
La consultation a aussi permis de connaître ce qui était attendu des médias. La crédibilité a fait l'objet de plusieurs interventions. Des membres du public ont soulevé l'importance de distinguer les journalistes des commentateurs, ainsi que les faits des opinions, dans l'espace médiatique. La place de vox pop dans la couverture de l'actualité a été remise en question. Une meilleure contextualisation des enjeux a aussi été demandée, pour éviter de tenir pour acquis que le sujet est connu de toutes et de tous.
Les commentaires entendus durant la consultation alimenteront la réflexion de Radio-Canada. «Je pense que ça va faire partie des outils qui vont permettre de voir comment les journalistes peuvent mieux faire le travail», indique Claude Bernatchez, qui enseigne à l'Université depuis l'automne.
Colette Brin, aussi directrice des programmes de 2e et 3e cycles au Département d'information et de communication, a assisté à l'événement. Elle salue l'initiative de Radio-Canada. «On vit à une époque où il y a beaucoup de critiques envers les médias, donc c'était bien de prendre le temps d'écouter le public. Il y a eu des critiques et des commentaires réfléchis, des points de vue pondérés.» Ce sont des préoccupations qu'elle perçoit dans la recherche. «C'était une occasion intéressante d'entendre ces témoignages en direct», ajoute-t-elle.
Rejoindre les jeunes
La consultation à l'Université Laval s'inscrit dans une série de sept rencontres organisées par Radio-Canada sur des campus universitaires à travers le pays. «Je trouve ça intéressant de faire ça dans un milieu où on peut rejoindre des jeunes», souligne Claude Bernatchez.
Il rappelle que le manque de confiance et le désintérêt du public à l’égard des médias traditionnels sont assez prononcés chez les 18-34 ans. «Il y a une préoccupation chez les médias d'aller chercher et de garder ces jeunes-là, parce qu'on a une responsabilité démocratique de s'assurer que notre contenu est disponible et accessible», ajoute-t-il.
Parmi le public, Claude Bernatchez a reconnu des étudiantes et étudiants qui suivent son cours. Un signe, selon lui, que parmi la relève journalistique, il y en a qui sont préoccupés ou intéressés par cette question. «J'espère que ça va nourrir leur réflexion.»