Qu’est-ce que l’anthropologie? Cette question dont la réponse n’est pas évidente pour plusieurs sert de point de départ à un tout nouveau balado lancé le 1er octobre et réalisé par une doctorante en anthropologie, Laurence Alain, et une diplômée de la maîtrise en anthropologie, Vicky Langlois. Sur un fond musical dynamique, le balado baptisé Anthr’potes démarre avec un micro-trottoir dans lequel des citoyennes et des citoyens y vont de tentatives de réponses parfois étonnantes. «Je n’ai aucune idée [de ce qu’est l’anthropologie]», dit l’une. «Ça étudie l’être humain», répond l’autre. D’autres définitions vont de «une version ancienne de l’archéologie» au surprenant «quelqu’un spécialisé dans l’entrepreneuriat».
D’entrée de jeu, on sent une réelle complicité entre les coanimatrices dans cet enregistrement réalisé au Laboratoire en anthropologie multimodale du Département d’anthropologie de l’Université Laval. «Le projet de balado est né quelque part de notre amitié comme collègues d’études, explique Laurence Alain. Éventuellement, nous sommes devenues de grandes amies. Quant au nom du balado, c’est un peu un jeu de mots. Nous sommes deux potes. Le nom fait aussi allusion à l’anthropologie. C’est également un petit clin d’œil au nom du local de notre association étudiante, Anthropos.»
Selon Vicky Langlois, l’anthropologie reste une discipline qui se construit beaucoup dans le dialogue et les échanges. «On aime parler ensemble, lance-t-elle, le balado est le format parfait pour nous!»
Une discipline aux mille nuances
Le balado a pour objet de démystifier et rendre concret le travail en anthropologie, plus précisément celui d’anthropologues francophones québécois et canadiens, mais aussi celui de celles et ceux qui étudient dans cette discipline ou qui l’ont étudiée. À chaque épisode, les coanimatrices accueilleront un invité.
Discipline aux mille nuances et déclinaisons, l’anthropologie reste plutôt obscure pour une grande partie de la population. Ses champs d’études touchent notamment à la langue, à l’environnement et au politique.
«J’étudie en anthropologie depuis huit ans, souligne Laurence Alain, et j’ai des amis qui ont encore de la difficulté à saisir ce que c’est. Avec le balado, ils ont une idée un peu plus claire.»
Anthr’potes vise aussi à divertir l’auditoire avec des discussions décontractées, des récits de terrain et des chroniques culturelles.
«On se disait que ce serait le fun un balado que mes parents peuvent écouter, que je puisse envoyer à ceux qui ne connaissent pas l’anthropologie, que ce soit convivial et accessible, poursuit Vicky Langlois. Aussi que ça aille chercher un auditoire pas seulement en anthropologie.»
Pour cela, les coanimatrices ont ajouté le volet «Culture pop» à chaque fin d’épisode où l’on demande à l’invité de présenter une œuvre cinématographique, littéraire, musicale ou autre avec laquelle il peut faire des liens avec ses travaux de recherche.
«C’est ce que nous avons fait dans le premier épisode, soutient Vicky Langlois, en se disant que ça allait peut-être permettre de donner des ancrages à des gens avec des intérêts autres.»
Une tribune où faire connaître ses résultats de recherche
Dans le cours de leur formation universitaire, l’une et l’autre s’étaient rendu compte qu’il existe peu d’espaces pour publier des résultats de recherche en français en anthropologie au Canada, peu de colloques également. «C’est pour cela que nous avons décidé d’offrir une plateforme, indique Vicky Langlois, de mettre en lumière celles et ceux qui travaillent dans cette discipline en français au Québec et au Canada.»
D’ailleurs, un prochain épisode portera sur ces étudiants francophones du Canada qui doivent se déplacer au Québec pour leurs études universitaires en français et en anthropologie.
Laurence Alain ajoute qu’il existe très peu de balados en langue française sur l’anthropologie et qu’il en existait au moins un dans les Amériques avant Anthr’potes.
Un nouvel épisode chaque mois
Le premier épisode a été diffusé sur les plateformes Spotify, Amazon Music, Apple Podcast, Deezer, ainsi que sur le site Web et la chaîne YouTube du balado. Le deuxième épisode sera mis en ligne le 1er novembre. Il en sera ainsi le 1er de chaque mois pour une durée d’un an.
Dans le premier épisode, Laurence Alain et Vicky Langlois présentent leurs travaux de recherche de maîtrise respectifs, lesquels ont porté sur l’anthropologie des pratiques langagières, plus précisément sur des langues européennes en situation de minorisation. L’une a étudié sur place le basque et le catalan, l’autre le gaélique irlandais.
«Un terrain de recherche se passe rarement comme prévu, souligne Vicky Langlois. C’est ça qui caractérise les terrains anthropologiques. Nous voulons mettre en lumière à quel point un anthropologue est un bricoleur, un débrouillard. Jamais on ne réussit à tout prévoir ce qui va arriver.»
Son premier terrain, comme elle le relate dans le balado, elle l’a effectué à Belfast, en Irlande du Nord. «Après être descendue de l’avion, je prends un taxi, raconte-t-elle. On passe devant un poste de police barricadé, avec du gros barbelé, l’air d’un bunker avec de petites fenêtres. Le chauffeur de taxi commence à m’expliquer que l’endroit a été full bombardé avec des cocktails molotov durant les troubles, dans le passé, entre les communautés catholique et protestante. Il m’explique tout le processus qu’il a vécu, lui, lorsqu’il était enfant dans ce quartier. J’ai réalisé, que pour les résidents, le conflit était comme le nez au milieu du visage. On ne peut pas passer à côté. Ce n’était pas du tout un tabou. Les gens me partageaient des histoires, terribles de mon point de vue. Il y a tellement de signes visibles dans la ville. C’est tellement normalisé, cela fait tellement partie de leur quotidien. Cette conversation avec le chauffeur de taxi était un imprévu qui, au final, ne m’a pas nui, au contraire.»
Pour l’une et l’autre, le projet Anthr’potes s’avère très stimulant. «On voulait partager notre passion, vulgariser notre discipline, indique Laurence Alain. Je trippe sur ce projet.»