La recrudescence des glissements de terrain dans le secteur de la baie d'Hudson inquiète les communautés nordiques. Pour comprendre la dynamique des sols argileux de la région, le ministère de la Sécurité publique collabore avec Ariane Locat, professeure à la Faculté des sciences et de génie et coordonnatrice du Laboratoire d'études sur les risques naturels (LERN) de l'Université Laval.
Le projet de recherche, démarré en mars 2024, fait suite à quatre glissements de terrain importants survenus en 2021 et 2022. L'un d'eux s'est produit à huit kilomètres des villages de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik, un territoire qu'occupent et parcourent les communautés pour leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche.
«Elles disent craindre de naviguer dans l'embouchure de la rivière parce qu'il reste des débris du glissement. Certains arbres bougent encore. Il y a des risques associés à la circulation», rapporte Ariane Locat, dont l'équipe collabore avec deux professeurs de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université Laval, Pascale Roy-Léveillée et Patrick Lajeunesse.
Dans un but de prévention et d'adaptation, le ministère de la Sécurité publique a octroyé près de 858 000$ à l'équipe de recherche à travers le Cadre de prévention des sinistres du gouvernement du Québec. Le projet est également mené en partenariat avec le ministère des Transports et de la Mobilité durable.
«Quand les ingénieurs du gouvernement doivent intervenir dans des situations d'urgence, ils sont confrontés au manque de documentation sur les sols du secteur. Tout ajout de connaissances grâce à notre projet sera utile pour eux, notamment pour la cartographie du secteur», souligne la professeure Locat.
Échantillonner en région isolée
Pour étudier les glissements passés, la chercheuse et son équipe se rendent en hélicoptère sur le terrain pour récolter des échantillons de sols à la pelle et dans des tubes qui seront ramenés au laboratoire sur le campus pour analyse. «Nous voulons savoir dans quelles conditions ils sont survenus, dans quels types de sols. Nous voulons aussi déterminer si la recrudescence est liée aux changements climatiques, car les régions nordiques sont affectées plus rapidement qu'au sud».
Les propriétés des sols peuvent ensuite être comparées à celles des sols dans la vallée du Saint-Laurent. «Les sols n'ont pas la même histoire géologique, mais on peut faire beaucoup de parallèles.»
Par exemple, les sols de la baie d'Hudson semblent plus sensibles au remaniement, c'est-à-dire que s'il y a un tremblement de terre, des intempéries ou de l'érosion, un glissement peut être amorcé et les sols peuvent perdre leur résistance et agir comme un liquide visqueux. «On retrouve ce type de glissement au sud aussi, mais l'échelle de grandeur est beaucoup plus grande là-bas, rapporte Ariane Locat. C'est intrigant. Nous voulons comprendre pourquoi.»
Une partie de l'étude se fera aussi dans le secteur de la baie James, plus au sud. «Ce territoire est plus accessible par la route, indique la professeure Locat. Ça nous permettra d'approfondir la recherche avec des foreuses puisque nous n'avons pas de machinerie à la baie d'Hudson. Nous pourrons ensuite extrapoler nos résultats comme les deux territoires sont dans le même bassin sédimentaire.»
La collaboration avec le Centre d'études nordiques est essentielle pour mener la recherche au Nunavik. «Il nous aide pour le logement, la nourriture et le transport. Il nous donne accès à une station de recherche et fait le pont avec les communautés. Je suis impressionnée par ce réseau», soutient Ariane Locat.
Le transfert de connaissances est un aspect important du projet, que ce soit avec les ingénieurs ou les communautés locales qui sont directement interpellées par l'enjeu des glissements de terrain.