4 décembre 2024
MosFlow: un assistant virtuel pour préserver la santé mentale au travail
Une équipe de l'Université Laval travaille avec l'entreprise Mosai sur une application basée sur l'intelligence artificielle qui suit en temps réel les risques psychosociaux chez le personnel
«C'était très naturel comme partenariat», lance Julie Dextras-Gauthier, professeure à la Faculté des sciences de l'administration. Avec sa collègue Marie-Hélène Gilbert, elle travaille avec la compagnie Mosai sur MosFlow, un assistant virtuel. Il utilise l'intelligence artificielle (IA) pour détecter les risques psychosociaux au travail, tels qu'une charge de travail excessive, un manque d'autonomie, un faible soutien ou de l'isolement.
«On a tout de suite senti que les fondateurs de Mosai avaient à cœur le bien-être des employées et employés. Ça nous a rejoint comme philosophie», raconte Julie Dextras-Gauthier, cotitulaire du Centre de recherche en gestion, développement des personnes et des organisations.
— Julie Dextras-Gauthier, professeure à la Faculté des sciences de l'administration
Faire une différence
Selon la professeure ce projet est ancré dans la mission très «pratique» du centre. «Si on veut être présent sur le terrain, dans les organisations, c'est à travers des collaborations comme celles-là. On a la chance de faire une différence positive dans la vie des gens.»
Elle souligne le défi pour les organisations de mesurer les risques psychosociaux au travail, surtout en temps réel. «Il y a la possibilité de faire des sondages, mais avec le temps d'analyse, le résultat est souvent un regard dans le passé. Ce qui est intéressant avec MosFlow, c'est qu'on a vraiment une mesure en continu qui nous permet d'intervenir rapidement.»
L'assistant virtuel tombe à point avec la loi 27, qui obligera les employeurs québécois à prendre en compte les risques psychosociaux dans leur plan de prévention en santé et sécurité au travail.
Ce projet représente un bel exemple d'utilisation de l'IA. «Ça a quand même une connotation négative en lien avec le marché du travail et la perte d'emplois, mais l'IA peut être utilisée de façon positive, pour le bien-être des employés. L'humain devrait toujours rester au cœur des organisations.»
Un accompagnement spécialisé
Pour concevoir MosFlow, Julie Dextras-Gauthier et l'équipe du centre ont mis à profit leur expertise en gestion des ressources humaines et en santé psychologique au travail. «Les fondateurs de Mosai avaient plein d'idées, mais ils cherchaient par quoi commencer et quelle direction prendre. Notre rôle, c'était vraiment de brainstormer avec eux.»
Des discussions se déroulaient à chacune des étapes. «Ils nous présentaient ce qu'ils avaient fait. Avec notre bagage scientifique, on pouvait soulever des éléments de réflexion en fonction de ce qu'on retrouve dans la littérature. C'est un bel exemple de transfert de connaissances.»
La professeure Dextras-Gauthier a notamment aidé à identifier les indicateurs de risques psychosociaux que l'assistant virtuel devait prendre en compte comme la surcharge de réunions, le travail hors des heures de bureau ou une diminution de la collaboration. «Par exemple, on leur a mentionné que, dans les conversations Teams, il pouvait y avoir des éléments que l'algorithme doit relever», illustre-t-elle.
L'algorithme, personnalisé selon le contexte organisationnel, pourra faire des recommandations à partir des données récoltées, de façon confidentielle et avec le consentement de la personne employée. Pour cet aspect, les chercheuses ont réfléchi à différents scénarios possibles et aux solutions recommandées dans la littérature. «En cas de surcharge, l'algorithme pourrait suggérer à la personne de prendre une pause si ça fait longtemps qu'elle travaille sans interruption.»
La personne pourrait aussi, avec son consentement, être dirigée vers des ressources humaines, comme le gestionnaire ou encore le programme d'aide aux employés.
Prendre le pouls du terrain
L'application MosFlow est maintenant prête à être testée au sein d'entreprises volontaires. Un volet recherche y sera associé. «Nous allons notamment vérifier, par des questionnaires ou des entrevues, si ça répond aux besoins, si les recommandations de l'algorithme sont utiles et concordent avec la littérature, et comment le personnel perçoit l'outil.» Ces informations permettront d'améliorer l'application.
Pour cette portion du projet, la professeure Dextras-Gauthier a d'ailleurs fait des demandes de subventions en partenariat avec Mosai pour analyser l'implantation. La Faculté des sciences de l'administration lui a aussi accordé un financement pour poursuivre le partenariat.
Commencée en 2021, la collaboration a été rendue possible grâce à une étudiante au doctorat, Justine Dima, qui a connu les fondateurs de Mosai lors de ses études. Maintenant professeure à la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud, en Suisse, elle est parfois interpellée dans les discussions. Julie Dextras-Gauthier y voit un potentiel de portée internationale. «L'outil sera disponible en français et en anglais, alors il n'y a pas de frontières.»